La prochaine vague de l’entrisme politique ou le temps du gouverner ensemble (Mamadou SY Albert)

La reconduction du Président de la République, Macky Sall à la tête de l’État du Sénégal ouvre très largement la porte entriste à des acteurs se réclamant de la famille libérale en reconstruction et à tous ceux qui ont fini-ront par renoncer à la lutte contre le régime républicain pour accéder au pouvoir. Ces nouveaux acteurs de l’entrisme s’inscrivent ouvertement ou non dans une stratégique non déclinée officiellement du gouverner ensemble amorcée depuis le premier mandat présidentiel. La majorité présidentielle et ses prochains souteneurs à l’ombre du chef de l’État attendent la fin du dialogue national pour mettre en œuvre ce qui pourrait être un programme politique consensuel national fort autour des Conclusions que le Président de la République en exercice présentera aux citoyens sénégalais avant la fin de l’année en cours.
L’entrisme politique est une pratique politique très courante au Sénégal. Elle a revêtu plusieurs formes sous le règne des socialistes entre les années 1960 et les années 2000. L’entrisme  a été sanctionné par un ralliement collectif et/ou individuel de militants et de responsables de partis politiques se réclamant de la gauche marxiste et ou patriotique. L’intégration des militants de la première génération de la gauche militante avant l’indépendance, dans la mouvance des socialistes, est une des modalités de cet entrisme. Certains occuperont des postes de responsabilité gouvernementale ou administrative et politique.
L’autre forme de l’entrisme,  plus récente puisqu’elle surgit au début des années 1990, a consisté à élargir la majorité présidentielle socialiste à une fraction de l’opposition démocratique. L’entrisme des libéraux dans le gouvernement de l’ancien Président de la République, Abdou Diouf, marquera cette forme de gouvernance élargie à des alliés de l’opposition. Dans le sillage de l’élargissement du pouvoir socialiste à ses alliés libéraux, la deuxième alternance survenue en mars 2012, a ouvert une formule d’alliance politique de gouvernance plus durable dans le temps. C’est l’actuel gouverner ensemble présidentiel à travers l’alliance stratégique du Benno bokk yakaar. La reconduction de l’actuel président de la République après la présidentielle de février 2019, ouvre de nouveau la porte à l’entrisme politique ou à une alliance de gouvernance plus élargie à de nouveaux acteurs.
Cette perspective s’inscrit dans un contexte historique relativement singulier. Il ne s’agit, ni de militants d’une organisation, ni d’une formation politique aspirant à entrer dans les rangs de la majorité présidentielle ou à exercer ensemble le pouvoir. Il est plutôt question d’un mouvement d’idée impulsé par des responsables dissidents ou animateurs de partis ou d’anciens prétendants au pouvoir. Cette dynamique de soutien à la majorité est impulsée à la fois par des dissidents du Parti démocratique sénégalais et par des partis souhaitant mettre fin à la lutte contre le pouvoir en place pour accéder au pouvoir. Le pouvoir n’est plus un adversaire. Il faut alors le soutenir ou disparaître du jeu politique.
L’aspiration au soutien de ces franges dissidentes du Pds et de certaines franges de la mouvance de l’opposition est naturellement soutenue indirectement ou directement par le Président de la République, Macky Sall et sa majorité. Le chef de l’État a d’ailleurs confié des responsabilités politiques à certains des anciens dissidents du parti libéral. Ils occupent des fonctions diverses : Pca, Dg de société nationale, conseillers politiques.
Cette première vague de recasés politiques qui sont des anciens proches et militants de la première heure du Pds, pousse le chef de l’Alliance pour la République dans la direction d’une ouverture de la porte de  l’entrisme, de l’unité de la famille libérale et d’une gouvernance commune contre l’opposition radicale incarnée par les libéraux, les dissidents du Parti socialiste, de l’Afp et des composantes de la gauche patriotique. Les retrouvailles entre l’ancien Président de la République, Me Abdoulaye et son ancien élève à la tête du pays entrent dans cette dynamique de l’entrisme des libéraux dissidents ou proches du leader historique du Pds et des retrouvailles de la grande famille libérale.
L’absence d’une unité politique de l’opposition sénégalaise autour d’une plateforme, d’un leadership collectif renforce l’esprit défaitiste soufflant dans les rangs des adversaires du pouvoir. Tous ces acteurs sont ainsi prêts à rallier la mouvance présidentielle et sa coalition. Ils attendent la fin des travaux du dialogue national et du dialogue politique. Les conclusions de ces rencontres devraient être le fondement idéologique et politique de ces futurs ralliements.
Le climat délétère dans le Front national de résistance entre le Pds et certains responsables suspectés déjà être au service du Président de la République en exercice témoigne de l’impact politique de l’entrisme au sommet des appareils politiques de l’opposition. Le Pds est certainement conscient des risques de l’entrisme au cours de ce deuxième mandat présidentiel. Il aura des effets non négligeables sur la crédibilité de l’opposition et ses chances électorales aux prochaines locales et aux législatives.
Le pouvoir lui ne mesure pas apparemment les effets négatifs de l’entrisme et de la transhumance politique massive. L’opinion publique pourrait se radicaliser.

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