L’avenir incertain des nouveaux bacheliers sénégalais (Mamadou SY Albert)

Le gouvernement du Sénégal orientera tous les nouveaux bacheliers dans les Universités publiques. Cette décision suscite naturellement des interrogations au sujet des raisons de ce revirement de la posture de l’État. Elle nourrit également des interrogations quant aux conséquences de ce choix sur le fonctionnement des Universités publiques au cours de la prochaine année académique 2019-2020. Le gouvernement est assurément dans une posture peu en adéquation avec ses propres exigences de performance, d’efficacité et d’efficience.
L’ancien Président de la République, Abdou Diouf; a eu la vérité de sa gouvernance : des maîtrisards chômeurs et les diplômés du Supérieur à la recherche du premier emploi salarié. Ils ont subitement basculé dans les rangs de la jeunesse désemparée par les effets de la crise de l’économie nationale sénégalaise. Ils sanctionneront le régime socialiste. L’ancien Président de la République, Abdoulaye Wade a construit toute son ambition panafricaine autour de la jeunesse. Il sera lui aussi soumis à la vérité du système éducatif. Le second tour de la présidentielle de février 2012 a correspondu à une grève musclée des enseignants du supérieur refusant de regagner les amphithéâtres des Facultés et des Écoles de formation professionnelle et technique. Il perdra le pouvoir.
Jamais deux sans trois. Le Président de la République, en exercice, Macky Sall amorce la deuxième phase de son Plan Sénégal Émergent. Cette stratégie semblait prendre l’Éducation parmi les moteurs de l’émergence et de la croissance. Après le premier mandat bâti autour de la Performance, de l’efficience et de l’efficacité, le second mandat présidentiel se heurte à des difficultés sérieuses de financement public du système éducatif et de l’Enseignement supérieur.
L’État ne peut payer la dette des Universités privées. Il ne peut non plus continuer son option d’orienter le surplus de bacheliers dans les Universités privées. Cette situation est apparemment à l’origine de la décision gouvernementale d’orienter les tous nouveauxbacheliers dans les Universités publiques au cours de l’année académique 2019-2020. Un retournement de situation chaotique se dessine à l’horizon du deuxième mandat. Les tensions de trésorerie ne sont  guère du domaine des secrets.
 L’État ne peut respecter tous ses engagements financiers pour éponger sa dette intérieure. Ce n’est pas non plus un secret d’État. Par contre, la vérité qui se trame devrait faire réfléchir la majorité présidentielle. Les régimes précédents ont vécu le drame du financement public de l’Éducation. Ils ont en commun un sort quasi identique. Ils ont tous réformé le système dans ses compartiments administratif, pédagogique, social et à toutes les échelles de l’éducation de base, du moyen-secondaire au supérieur. Les plans de l’Éducation se succèdent depuis des décennies et des décennies. Le mal rongeur de l’Éducation persiste en profondeur. Il est identifié et  connu des spécialistes, des acteurs politiques, des gouvernants et des partenaires techniques et financiers.
Les budgets du système éducatif ne servent pour le moment qu’à faire fonctionner la machine administrative de l’État et ses démembrements. Toutes les structures de l’Éducation : Collèges, Lycées, Universités, Écoles Nationales, fonctionnent avec des déficits structurels. Le rythme de la création des infrastructures et le taux de recrutement des enseignants est fortement en décalage avec l’accroissement des effectifs des élèves, des étudiants et du corps enseignant. Cette situation nourrit évidemment, les grèves, la révolte des enseignants, des étudiants et la démotivation. Ce qui est nouveau et inquiétant, semble être plutôt, l’ampleur du financement public et le coût des problèmes sociaux, pédagogiques et administratifs. Un gap énorme à combler.
Le recours aux Universités privées était la parade gouvernementale au sureffectif des nouveaux bacheliers face à des Facultés et Écoles Nationale pleines à craquer. Ce procédé de partenariat entre l’État et le privé national a atteint ses limites objectives au regard de la dette privée de l’État. Elle frôle les 20 milliards. La décision d’orienter les nouveaux bacheliers pourrait paradoxalement aggraver la tension administrative, pédagogique et sociale dans les Universités publiques, singulièrement à l’Université Cheikh Anta Diop, la principale Université du Sénégal. Cette dernière a atteint ses capacités d’accueil depuis fort longtemps. Il en serait de même des Universités régionales. Les conséquences de la décision gouvernementale pourraient se traduire par une aggravation des tensions de la gouvernance des Universités publiques. Elles sont toutes déficitaires.
Ce contexte explosif, aura certainement son heure de vérité et ses conséquences ultimes. Le non-respect des engagements du gouvernement sera au cœur des prochains mouvements syndicaux et sociaux. Les enseignants des Universités alertent à propos de l’effet social et académique de la nouvelle décision gouvernementale. Les diplômés chômeurs circulent dans les allées et avenues de Dakar. Les nouveaux bacheliers ont de quoi être inquiets de l’avenir en matière de formation, d’emploi, d’insertion sociale et économique.

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