Le Sénégal en mode résignation fataliste (Mamadou SY Albert)

Après sept ans de lutte acharnée entre le pouvoir, préoccupé au premier point par le second mandat présidentiel, et son opposition aspirant fortement à faire la troisième alternance sénégalaise, le Sénégal entre dans une nouvelle logique politique. C’est la résignation politique.

Le Président de la République, Macky Sall réélu, n’a plus rien à démontrer. Il se résigne à gérer ce qu’il peut gérer. Le reste, il fait avec le Sénégal et ses pesanteurs. L’opposition n’a pas cessé, tout au long du premier mandat présidentiel, de dénoncer le fonctionnement du système démocratique, la mauvaise gouvernance des affaires publiques. Elle a fini par déchanter, puisque Macky Sall a exécuté toutes ses orientations politiques sans état d’âme.

Aujourd’hui, la résignation est de rigueur dans les rangs des adversaires de la mouvance présidentielle. Le Sénégal entre ainsi dans une mode de résignation politique. La résignation est souvent le propre des Sénégalais. Ils acceptent le bien ou le mal qui arrive. Probablement, le fatalisme, la perte de confiance en ses capacités à changer ses conditions d’existence et le refus de faire recours à la violence sociale et politique, expliquent ce fonds culturel très ancré dans les mentalités et les comportements des citoyens sénégalais. Ils savent souffrir profondément en attendant un jour la délivrance divine ou celle d’un homme providence. Cette mentalité fait partie de l’être social, culturel et religieux du Sénégalais.

De ce côté, les mentalités sociales, culturelles et religieuses sénégalaises changement moins vite que les évolutions internes de la société contemporaine. En dépit de deux changements de régimes politiques, la résignation face au pouvoir est quasi structurante. Des franges importantes de la société croient en réalité que celui qui donne le pouvoir est du domaine du divin. C’est ce pouvoir suprême aussi qui met fin au règne du plus puissant du moment. Point donc d’éternité au sommet de l’État. La résignation du peuple est par conséquent une philosophie aussi simple de la vie politique.

Les acteurs politiques exerçant le pouvoir ou évoluant dans les mouvances de l’opposition étaient à l’abri des influences du fatalisme et des pesanteurs de la résignation, de l’acceptation stoïque de la situation que les populations vivent au Sénégal. Ces acteurs politiques ont toujours eu le discours adéquat pour contenir les méfaits du fatalisme et de la résignation de tout un peuple. Ce discours a relativement bien fonctionné dans les sphères de l’élite politique, économique et des franges importantes de la société, singulièrement de la société civile, les syndicats, les milieux scolaires et de la culture.

Ce sont d’ailleurs ces couches sociales les plus éveillées, politiquement, qui ont porté tous les changements sociaux et politiques au cours de ces dernières décennies. Tout au long du premier mandat présidentiel, le pouvoir et son opposition se sont affrontés sur des questions de gouvernance politique et économique, de gestion des destinées du Sénégal. La confrontation des discours, des arguments et des plaidoyers pour la préservation du pouvoir ou l’alternative, traduisent cet esprit de lutte contre le fatalisme et la résignation. Le deuxième mandat du Président de la République, Macky Sall, réélu en mars, ouvre une nouvelle page politique inédite. C’est la résignation politique ou de la paix des braves.

La posture du président de la République est dans cette logique. Depuis sa reconduction au pouvoir en février 2019, la majorité peine à engager la seconde phase du Pse et à sortir du cycle des contentieux post-électoraux avec ses principales alternatives. Le maître du jeu est dans un temps d’observation du champ politique et d’écoute. Ce profil présidentiel est relativement différent de ce celui que les Sénégalais ont découvert durant le premier mandat. Un président pressé de faire des résultats et sûr de ses orientations stratégiques. Le mode de résignation présidentielle affecte naturellement le fonctionnement du gouvernemental et de l’État central. On fait ce que l’on peut. Plus de grandes projections politiques vers 2035.

L’opposition n’est guère mieux lotie que le camp présidentiel. Elle a livré toutes les batailles contre le pouvoir. Elle a perdu toutes ses batailles démocratiques, l’amélioration du système politique institutionnel. Elle est désormais en mode de résignation. Elle répond au dialogue sans jamais croire à des conclusions significatives à l’issue de ses rencontres. Elle laisse le régime faire. Elle n’oppose plus un projet alternatif.

Cet état d’esprit de résignation de la mouvance présidentielle et de l’opposition renforce évidemment la mentalité fataliste ambiante des Sénégalais. Elle devient plus que jamais sceptique à tout changement. Les politiques et les citoyens attendent, en réalité, la providence pour délivrer le pays du fatalisme et de la résignation des hommes politiques.

 

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