Le virus de la perte des valeurs sociales et  culturelles (Mamadou SY Albert)

L’invocation de Dieu et la perle des créatures  Son envoyé  (Psl) à côté de la perte des valeurs culturelles, sociales, religieuses et politiques, demeure un des constats majeurs de l’évolution du Sénégal contemporain. Une perte qui préoccupe naturellement les parents, les pouvoirs temporel et spirituel et les acteurs de la société civile, au regard de l’impact notoire de la tendance aux changements de comportements des Sénégalais et Sénégalaises, en rapport aux nouvelles pratiques sociales développées tous les jours par eux/elles. Elle secrète naturellement une angoisse sociale et existentielle grandissante dans les foyers. L’ancien monde des traditions se meurt. La nouvelle société émerge dans la douleur.
La perte de valeurs recouvre des comportements et des états d’âme différents. L’indiscipline, l’indifférence, l’égoïsme, la violence, l’incivisme, la perte d’influence de l’autorité parentale ou publique, constituent certains de ces aspects les plus visibles des nouveaux comportements les mieux partagés au Sénégal. Un virus de société présent singulièrement dans les rangs des nouvelles générations.
Naguère, le Sénégalais était réputé être un individu éduqué, respectueux  des normes sociales établies par les traditions et les valeurs cardinales de sa société. Il fut cité dans le milieu familial, à l’école et dans les services publics, pour son comportement exemplaire, au titre de citoyen discipliné, imbu des valeurs de la solidarité, soucieux du bien commun et de la sacralité des liens sociaux, culturels, religieux. Ces traits de caractère étaient nourris et entretenus par les traditions  hissées au rang de références communes à toutes les échelles de la société et dans toutes ses composantes. Ce monde des traditions et ses valeurs sociales, culturelles, religieuses, a peut-être prévalu. Le constat est là, bien amer à observer.
Une grosse mutation de la société sénégalaise est au cœur de la déchirure entre le pays des “traditions ancestrales” et celui du “citoyen de demain”, se dessinant, dans cette relation ambiguë, les contours d’une future nouvelle société à l’horizon. La société  traditionnelle ne se pose suffisamment des interrogations sur l’origine ou les causes de ce basculement de son “pays” et de ses “citoyens” dans  la perte des valeurs héritées des “traditions multiséculaires”. Le pays a plutôt tendance à fuir les “nouvelles pratiques sociales et culturelles émergentes” sous l’effet grossissant d’une crise globale des sociétés contemporaines.
Les adeptes de la société traditionnelle et ses valeurs préfèrent se cramponner aux certitudes culturelles historiques souvent carrées et se plaisent toujours à rappeler le bon vieux temps du passé, ses valeurs légendaires. Ce discours de rappels de l’histoire glorieuse des précurseurs des sociétés traditionnelles et de piqûres de mémoire aux jeunes générations est apparemment sans effets -sinon revolu et désuet – face à  l’ampleur de la perte des valeurs traditionnelles.
La modernité envahissante, par ses valeurs, constitue désormais une sérieuse menace des équilibres culturels et sociaux de la société. Cette modernité est portée  par une économique mondialisée et un modèle de société bâti sur des valeurs de performance de l’économie et de l’individu. Cette société a une culture plus individualiste et plus égoïste. Elle est à la limite en rupture totale avec les valeurs traditionnelles sénégalaises.
Le divorce entre les anciennes générations et les nouvelles générations ne cesse ainsi de se creuser en raison du triomphe des valeurs culturelles de la modernité. La cellule familiale est mise partout, à travers le monde, à rude épreuve. Elle se disloque. Les valeurs traditionnelles parlent de moins en moins aux jeunes. Les systèmes éducatifs traversent une impasse éducative sans précédent. La crise de la transmission du savoir et des valeurs fait son bonhomme de chemin.
L’irruption des Nouvelles technologies de l’Information et de la communication semble d’ailleurs accélérer les effets de la crise de la transmission des connaissances, des valeurs et le délitement des liens entre les jeunes et les valeurs de la société traditionnelle. Le portable et l’internet se sont substitués aux parents, aux structures traditionnelles de socialisation que furent la famille, l’école et l’Université et le corps enseignant. Les jeunes passent plus de temps avec ces nouveaux outils de communication qu’avec les parents. Ils vivent sans nul doute un autre monde en construction.
Les modes de vie et de communication se modifient radicalement sous la poussée de la mondialisation et des Ntic. La nouvelle génération entre ainsi de plein pied dans un univers virtuel et ses valeurs.
Dans ce monde à venir, l’individu et ses besoins personnels prendront certainement le dessus sur les besoins du groupe, de la famille, de la communauté et de la société. Le “chacun pour soi” est déjà là.
Les valeurs sociales et culturelles seront nécessairement différentes des valeurs des époques précédentes. La société des traditions est, pendant ce temps de l’individualisme et de la modernité uniformisant le modèle de société, encore accrochée à ses traditions communautaires, à ses valeurs de solidarité, à sa culture de partage et de respect des traditions. La société traditionnelle et ses valeurs se meurent. Au mieux, elle cohabite difficilement avec certaines valeurs de la modernité. Cette perte de repères alimente naturellement une angoisse existentielle et sociale. Une autre société plus individualiste et égoïste est en train probablement de naître dans la douleur  chaotique  de l’ancien monde, perdant ses valeurs sociales et culturelles.

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