L’Unité fantasmée de la famille libérale sénégalaise

L’unité de la famille libérale constitue une question politique majeure de la recomposition du paysage libéral sénégalais. Les principaux animateurs du courant se réclamant du libéralisme social et/ou du libéralisme classique, dans son acceptation doctrinaire, libre-échangiste, ne parviennent pas, pour le moment, à lancer une initiative publique conduisant à la réalisation de ce rêve.

On assiste plutôt à un processus contraire de constitution de trois pôles libéraux rivaux qui se cristallisent : celui du pouvoir du Président de la République, Macky Sall, président de l’Alliance pour la République, le pôle de l’opposition radicale, incarnée par le président du Parti Rewmi, Idrissa Seck, et la mouvance à double vitesse du Parti démocratique sénégalais de l’ancien Président de la République, Me Abdoulaye Wade.

Le deuxième mandat du président de la République, reconduit à la tête de l’État à la sortie de la Présidentielle de février 2019, ouvre de nouveau la réflexion à propos de l’unité de la famille libérale. Certains partisans de cette option, qui ont choisi d’ailleurs de voter pour le candidat-président réélu, sont apparemment les plus engagés dans le processus de concrétisation de cette perspective unitaire. Ils en ont fait un choix politique dès la défaite du Pds en mars 2012. Les arguments ne manquent guère aux partisans de l’unité des libéraux. Les partis se réclamant du libéralisme social, sont parmi les plus représentatifs du paysage politique. C’est  un argument de taille.

L’Alliance pour la République, le Parti démocratique sénégalais, Rewmi, Bokk gis-gis et la coalition Madické Niang, sans oublier les leaders d’opinion à la tête de formations politiques autonomes ou de courants de pensée revendiquant les héritages de la pensée du Secrétaire général des démocrates, représentent par le nombre et par le poids électoral, une force potentielle. Cet argument électoral et du nombre se conjugue naturellement au fait que l’actuel Président de la République, Macky Sall, fait partie de la famille libérale. Le fait que le Pds, l’Apr et le Rewmi soient également des membres de l’internationale libérale, est un argument de propagande non négligeable qui milite en faveur de l’unité indispensable des libéraux sénégalais. Le rapprochement entre le président de la République en exercice et son maître, serait à inscrire dans la trajectoire probable de ces retrouvailles.

Ce plaidoyer politique obéit à une logique entre la politique réaliste et le «situationnisme». C’est aussi une volonté de vouloir maintenir un responsable de la famille libérale à la tête de la gouvernance des affaires publiques pour au moins quelques mandats après ceux du Président de la République, Macky Sall. L’unité de la famille politique libérale est toutefois, pour le moment, du domaine d’un souhait ardent de responsables politiques libéraux. Ils sont le plus souvent des dissidents à la recherche d’un repositionnement hypothétique dans l’échiquier politique très mouvant et d’une unité improbable.

Les retrouvailles entre les responsables politiques républicains et démocrates n’ont point souhaité faire de cette unité entre le Pds et l’Apr, une urgence ou simplement une préoccupation. Ce qui semble se dessiner tend à faire plutôt du Pds, un parti évoluant provisoirement du moins dans la mouvance de l’opposition. Cette posture fige les démocrates. Ils sont entre, ni la radicalité outrancière, ni la participation à l’aveuglette à une majorité d’idée ou une majorité présidentielle élargie aux frères libéraux.

Par contre, le Rewmi affiche sa volonté inébranlable de garder son ancrage dans l’opposition radicale au pouvoir républicain en dépit de sa participation au dialogue politique. C’est dans ce sillage que la posture de la formation de l’ancien président de l’Assemblée nationale et du Sénat, Pape Diop, est inscrite. L’unité de la famille libérale n’est pas précisément une question centrale des formations de Rewmi, de Bokk gis-gis et de certaines franges politiques se réclamant du libéralisme.

Le processus de recomposition du paysage libéral laisse se dessiner à l’horizon des pôles rivaux. Celui du pouvoir républicain et celui de l’opposition libérale radicale. Le troisième pôle sera constitué par des individualités et des idéologues du grand libéral. Ce pôle n’a pas réellement d’influence politique ou électorale. Il est plus partagé entre le ressenti de la gloire idéologique de l’exercice du pouvoir et le soutien intéressé à la majorité présidentielle actuelle. La présidentielle de février 2024 pourrait néanmoins modifier la physionomie actuelle de ce rapport de force entre les adversaires libéraux. Les alliances entre les responsables du libéralisme peuvent subir les effets des futures candidatures. Les candidatures du président sortant en 2024, celles des radicaux et du Pds vont certainement enterrer le fantasme unitaire. Les rivalités libérales modifieront nécessairement les postures des pôles et les stratégiques électorales des libéraux Sénégalais.

 

Mamadou SY Albert

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