Un samedi de l’économie dédié à Samir Amin

À l’occasion du 1er anniversaire du décès du Professeur Samir Amin, né en 1931 et rappelé à Dieu le 12 août 2018, un samedi de l’économie lui a été consacré avant-hier. En hommage à son œuvre prolifique, plusieurs sommités ont tenu à magnifier son legs dans le cadre d’une cérémonie tenue au siège d’Enda Tiers-Monde sis sur l’avenue Cheikh Anta Diop. Présenté comme un éminent penseur, révolutionnaire indomptable et acteur de premier plan du mouvement social africain et mondial, Samir Amin s’est largement consacré au combat pour l’émancipation des peuples face à l’oppression capitaliste et la domination impérialiste. Il a eu à déconstruire, de manière rigoureuse, les théories conventionnelles sur le développement des pays du Sud.
D’éminentes personnalités parmi lesquelles, Dr Chérif Salif Sy, directeur du Forum du Tiers Monde (Ftm), Professeur Moustapha Kassé, Doyen Honoraire de la Faculté des sciences économique et de gestion de l’Ucad, Professeure Fatou Sow, Dr. Ebrima Sall de Trust Africa ou encore l’économiste Ndongo Samba Sylla de la Fondation Rosa Luxemburg, ont joint leurs voix pour magnifier l’immense savoir du défunt nourri «à la sève révolutionnaire du matérialisme historique». Comme en témoigne sa biographie accrochée à l’arrière plan du présidium, Samir Amin s’était engagé à fond dans l’action militante. Co-fondateur d’Enda avec Jacques Bugnicourt, il a notamment pris une part active aux mouvements anticolonialistes de l’époque et a fait alors connaissance avec de nombreux étudiants et futurs dirigeants politiques en Afrique, au Moyen Orient et en Asie. «Nous célébrons d’abord notre fondateur. Il est très marquant pour nous de le célébrer dans ce hall attenant à la salle qui porte le nom de Jacques Bugnicourt et aussi de Samir Amin. Cette bibliothèque populaire du développement est en très grande partie la résultante du travail de Samir et de sa générosité. C’est lui qui a offert à Enda une très grande part de sa bibliothèque personnelle qui a permis, avec l’appui de la Fondation Rosa Luxembourg, d’en faire une bibliothèque avec une numérisation complète au service des étudiants ; ce qui est déjà un indicateur de succès très important», indique le Dr Cheikh Guèye, chargé de la prospective à Enda Tiers-Monde. Il met en relief d’autres facettes de Samir Amin. «Nous célébrons aussi quelqu’un qui a beaucoup inspiré l’action d’Enda. Contrairement à ce que beaucoup pensent, Samir ce n’était pas uniquement un théoricien de l’économie, c’était aussi un homme d’action. Il a durant toute sa vie initié beaucoup d’actions, d’institutions, de mouvements, de processus qui ont marqué et qui continuent à marquer le commerce des idées, notamment des idées émancipatrices. Ces dernières années il a bouclé la boucle en interagissant beaucoup avec Enda ces nous permettant de sortir de cette logique de projet d’Ong classique et nous renouant avec le forum social mondial dont Enda a assuré le secrétariat africain pendant très longtemps, mais aussi, en nous aidant à renouveler notre pensée sur le développement», ajoute Cheikh Guèye.
Dans la même veine, l’économiste Ndongo Samba Sylla estime que «le Professeur Samir Amin est un des meilleurs économistes de sa génération, pas seulement en Afrique mais aussi à travers le monde». «Ce qui est peut-être un peu dommage aujourd’hui, c’est que la plupart des étudiants en sciences sociales ignorent les travaux d’intellectuels comme Samir Amin. Les curricula ont tellement changé que maintenant on peut même faire de l’économie dite du développement sans connaître des penseurs de sa trempe. Cela se ressent au niveau de la qualité des conseils qui sont apportés au gouvernement parce qu’on voit une économie a historique, hyper formelle qui sert de matière à réflexion à ceux qui conseillent nos gouvernants ; donc ce n’est pas une surprise si on voit les résultats économiques peu probants que nous obtenons via ce type de pensée orthodoxe là. Samir Amin était un pionnier dans tous les thèmes qui concernent le développement des pays africains et des pays du sud et souvent les gens ignorent l’étendue de sa contribution», assure Ndongo Samba Sylla. Abondant dans le même sens, le Dr Cherif Salif Sy préconise d’agiter et de réfléchir régulièrement sur l’œuvre de Samir Amin à la lumière du développement du monde, car le développement du capitalisme étant historiquement déterminé, ne peut pas prendre la même forme à chaque étape historique de l’évolution du monde ; d’où la nécessité pour les intellectuels d’actualiser leur pensée, en phase avec leur époque.

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