Actualité de la renaissance de l’anti-impérialisme au Sénégal et en Afrique (Mamadou SY Albert)

La première alternance politique sénégalaise a réussi à briser chez les Sénégalais le complexe politique et culturel des influences de la France et de l’Occident. L’arrivée au pouvoir du Président de la République Abdoulaye Wade en mars 2000 a libéré les esprits citoyens des pesanteurs de la présence culturelle dominatrice de l’ancienne puissance colonisatrice et de la domination politique et économique multiséculaire de l’Occident.
L’avènement de la seconde alternance, quant à lui, se conjugue progressivement à un retour progressif de la puissance d’influence de la France et des occidentaux dans la gouvernance économique et la sécurité transfrontalière. Des pans entiers des mouvements de la société civile; protestant actuellement contre la hausse du prix de l’électricité, et des militants panafricanistes, établissent des liens étroits entre le maintien en détention du leader dun Frapp France Dégage, Guy Marius Sagna, et la mainmise des intérêts de l’Hexagone sur les destinées du Sénégal.
Les relations entre l’ancienne colonie française et la puissance tutélaire ont toujours été au centre de la controverse de la gouvernance de la République du Sénégal post-coloniale. L’exercice effectif de la souveraineté politique et économique est demeuré le centre d’intérêt de cette controverse récurrente entre gouvernants et adversaires des pouvoirs publics. C’est la ligne rouge de démarcation entre les partisans de la continuité de la coopération néocoloniale et ceux plaidant pour la rupture avec les héritages postcoloniaux au Sénégal et dans le continent africain.
L’avènement de la première alternance politique en mars 2000 a produit un sentiment de rupture avec la gouvernance des socialistes et l’influence politique de la France et de l’Occident. La posture politique panafricaniste de l’ancien Président de la République, Abdoulaye Wade, a certainement favorisé l’expression de ce ressenti de la liberté et d’indépendance reconquise dans les rangs de l’élite politique et économique. Les acteurs du changement de régime et de l’alternance ont mis fin, psychologiquement, à ce mythe entretenu pendant quatre décennies par les prédécesseurs des libéraux, en l’occurrence les Présidents Senghor et Diouf.
L’élan de rupture avec la gouvernance socialiste fortement influencée par la présence de l’ancienne puissance colonisatrice dans tous les secteurs du développement et de la coopération, va être porté et nourri par une volonté politique de diversification des partenaires de l’État sénégalais. La stratégie de développement impulsée par le Président Abdoulaye Wade réorientera ainsi le partenariat et la coopération sénégalaise vers l’Afrique et les pays asiatiques. La première alternance modifie le visage de la géopolitique dans la sous-région et dans le continent avec le Nepad.
Les Sénégalais ont sanctionné démocratiquement le régime libéral. Ils ont porté au pouvoir l’actuel Président de la République en mars 2012, Macky Sall, et sa majorité. Les électeurs, révoltés contre les dérives du régime libéral en matière de gouvernance et les énormes difficultés dans la relance du tissu économique par l’émergence endogène, ne pouvaient certainement imaginer un retour de l’influence française et de l’Occident. Les premiers signes manifestes de ce retour annoncé de l’Occident et la France sont marqués par l’empreinte du séjour du chef de l’État sénégalais en France dès les premières heures de son investiture. Il reviendra avec un appui budgétaire dans ses bras. La relation avec la France se normalise après les heurts et la révolte contenue des années de rupture de la première alternance. La France semble désormais être en meilleure posture au Sénégal. Elle est au cœur de la diplomatie et de l’économie sénégalaise.
Ce  retour de l’influence de la France suscite de nouveau de sérieuses interrogations relevant de l’exercice non effectif de la souveraineté politique et économique du Sénégal à l’égard de la France. Les adversaires du pouvoir républicain en place ne cessent de mettre l’accent sur la perte de souveraineté du Sénégal au profit de son partenaire historique français et des autres partenaires, singulièrement asiatiques. Jamais la France n’a été si puissante qu’au cours de ces années de la seconde alternance politique.
Le mouvement Frapp «France Dégage» est une des expressions politiques de ce courant panafricaniste anti-impérialiste dénonçant la présence étrangère et l’influence française dans le continent africain. Cette controverse grandissante met en relief l’incapacité de la seconde alternance à penser un modèle de rupture avec les héritages post-coloniaux.
En dépit de la volonté affichée de tourner la page de la domination politique et économique, la majorité présidentielle républicaine souffre d’une absence notoire de volonté allant dans le sens de briser la logique du développement extraverti et le complexe dominateur français.
Le chef de l’État est probablement prisonnier des calculs de positionnement traditionnel dans la dynamique de la France-Afrique renaissante. Il a choisi ce partenariat. Le Sénégal est à tort ou à raison du côté des intérêts de la France et de l’Occident. Cette orientation vaut ce qu’elle vaut politiquement. Elle serait à l’origine de la révolte montante en puissance contre les intérêts français, occidentaux et internationaux au Sénégal et dans de nombreux pays africains dépendant de la puissance d’influence française et des intérêts occidentaux.
Il n’est guère étonnant après l’échec des transitions et des alternances que ce soient les couches sociales les plus déterminées dans les rangs des jeunes scolarisés ou non, qui soient celles qui portent le message de la lutte contre la France, contre l’Occident et contre les États africains partenaires inconditionnels de l’Occident.

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