L’Alaska, séparée de la Russie uniquement par le détroit de Béring, est un choix qui permet évidemment de ne pas avoir à se poser la question de savoir quels pays l’avion d’un président russe pourrait survoler. Inculpé par la Cour pénale internationale, la destination éloignée dans une ville peu connue permet aussi, selon certains observateurs, d’assurer plus facilement la sécurité et de limiter drastiquement la possibilité de manifestations.
Dans le détroit de Béring, deux îles se font face. La grande Diomède, à l’ouest, est russe ; la petite Diomède, habitée par quelques dizaines de personnes, est américaine. Moins de quatre kilomètres les séparent. Depuis des années, l’armée américaine annonce intercepter régulièrement des avions russes s’approchant un peu trop de son espace aérien dans la région. Mais la Russie n’est pas intéressée par une reprise de l’Alaska, où « il fait froid aussi », avait ironisé Vladimir Poutine en 2014.
Un lien historique entre la Russie et les États-Unis
Mais le choix de l’Alaska a aussi un sens historique et symbolique des liens entre les deux pays. C’est pour la Russie des tsars que le Danois Vitus Béring découvre au XVIIIe siècle le détroit séparant l’Asie des Amériques, qui porte désormais son nom, et révèle à l’Occident l’existence de l’Alaska. En 1867, Moscou vend à Washington le territoire pour 7,2 millions de dollars, un achat critiqué à l’époque. L’Alaska n’est cependant devenu un État américain à part entière qu’en 1959, mais a été une route de liaison pour la coopération militaire après 1941 et l’entrée en guerre de l’URSS pendant la Seconde Guerre mondiale.
Le territoire est encore parsemé d’églises orthodoxes, implantées dès la création de la Compagnie russe d’Amérique, et elles demeurent l’un des principaux héritages de l’histoire russe sur le territoire. Plus de 35 églises historiques, dont certaines avec les coupoles typiques de l’architecture orthodoxe, parsèment les côtes d’Alaska, selon une association qui vise à les protéger. Le diocèse orthodoxe de l’État se présente comme le plus vieux d’Amérique du Nord et comprend même un séminaire, installé sur l’île de Kodiak.
Enfin, ce choix vanté par le Kremlin comme un choix de proximité pourrait encore la renforcer. L’Arctique, qui baigne le nord de cette région, est présentée à l’envi par la Russie comme une promesse de coopération fructueuse entre la Russie et les États-Unis.