Reportage :Au Centre du contrôle technique, l’extincteur est un or rouge

À Hann, juste en face du ministère de l’Environnement, le Centre de contrôle technique est un aimant qui attire une armée de véhicules, vendeurs et d’artisans. Cependant, un produit se démarque de tous les autres : l’extincteur de voiture. Ce petit cylindre rouge, indispensable pour la visite technique, est devenu le cœur d’une économie de rue animée par l’ingéniosité et l’urgence.

Il est 13 heures, et le soleil de ce mercredi 20 août déploie ses rayons sur les habitants de Hann. Au centre de contrôle technique, le vrombissement des moteurs et les klaxons impatients des voituriers forment la bande-son de ce carrefour de la débrouille. Dans la cohue, Mohamed Marrone, le trentenaire, tient fermement une pompe d’extincteur. Le regard vif, il expose la loi du marché qui régit ce lieu .« Les extincteurs sont en manque. C’est la raison pour laquelle on les vend à 4000 F l’unité. Mais d’autres le proposent même à 5000 F », confie-t-il, l’œil rivé sur les voitures qui défilent. Natif de Touba, vêtu d’un long boubou et foulard autour du cou, Mohamed reste très actif sous le regard d’une mendiante assise à même le sol.

Un peu plus loin, Mass, négocie avec un voiturier mais en vain. Pour lui, ce n’est pas qu’un petit business, c’est une question de survie. « Les extincteurs sont obligatoires pour la visite technique des voitures, et donc nous, on en vend. C’est grâce à ça qu’on survit, nous aussi », dit-il le front luisant de sueur. L’horloge tourne, l’effervescence à son summum.

Ablaye Cissé, s’abrite à l’ombre d’un acacia pour un instant de répit. La quarantenaire insiste sur la nécessité de diversifier les sources de revenus, vendant également des triangles de signalisation, des ampoules et d’autres accessoires. L’homme, qui répare aussi des rétroviseurs et des plaques d’immatriculation, résume la philosophie du lieu : « Ici, plus tu es polyvalent, plus tu peux générer de l’argent ». Ablaye avoue que, c’est grâce à ce business qu’il parvient à nourrir son petit foyer. « C’est un travail difficile mais je m’en sors vraiment », termine-t-il avec un air de fierté sur ses yeux.

Problème d’approvisionnement

Au pied du centre de contrôle technique, dont l’entrée est un ballet incessant de voitures, l’effervescence est à son comble. Des véhicules entrent et sortent dans un va-et-vient constant. Non loin de la grande porte du centre, Pape Oumar Dieng, un artisan de Yarakh, est penché sur le capot d’une voiture blanche. Fort de sept années d’expérience, il met en lumière un problème systémique qui affecte tout le marché.

« Les pompes sont en manque à cause d’un étranger qui fait affaire avec l’entreprise qui les fabrique. Ce n’est pas normal, il faut que l’État nous aide car on veut travailler correctement », s’indigne-t-il, une ampoule dans sa main. Il se souvient du temps où les extincteurs coûtaient entre 1500 et 2000 F, un prix qui a grimpé en flèche. Malheureusement pour lui, la clientèle a du mal à comprendre cette flambée.

« Ça vaut le prix»

Ibrahima Ndao, vêtu d’un costume traditionnel noir, attend patiemment que Pape Oumar termine sa réparation. Il est un de ces nombreux conducteurs qui viennent faire une « pré-visite » avant de se présenter au centre de contrôle. Une démarche prudente pour éviter les mauvaises surprises. « Je trouve que les prix des pompes et le coût des réparations sont un peu chers, mais je comprends leur situation, leur travail n’est pas facile », concède-t-il, en s’essuyant le front.

Sur le bitume brûlant de Hann, la sueur et la débrouille se mêlent au respect mutuel entre ces hommes de l’ombre et leurs clients. Ibrahima reconnaît l’effort remarquable de ces travailleurs. « Rester à courir entre les voitures sous le chaud soleil pendant toute la journée n’est pas chose aisée. Ils méritent leur prix », reconnait-il. Dans ce tumulte du point de contrôle technique, l’extincteur est plus qu’un simple produit à vendre. C’est le fil rouge d’un écosystème où plusieurs jeunes gagnent leur vie.