Tanju Polat, coordonnateur de Tika Sénégal :« Nous voulons réaliser un projet dans chaque région du pays »

Arrivé à Dakar en juin 2025, après quatre années passées au Niger, Tanju Polat dirige le Bureau régional de la Tika, l’Agence turque de coopération et de développement. Depuis son implantation au Sénégal,en 2007, l’institution a mené plus de 230 projets dans des domaines aussi variés que la santé, l’agriculture, l’éducation ou l’artisanat. Dans cet entretien, M. Polat revient sur les priorités de la Tika et analyse la récente visite du Premier ministre Ousmane Sonko en Türkiye.

Quelle est la mission principale de l’Agence turque de coopération et de développement (Tika) ?

La Tika est chargée de mettre en œuvre l’aide publique au développement et l’assistance technique de la République de Türkiye dans les pays amis et partenaires comme le Sénégal. Ses missions consistent à accompagner les processus de développement, préserver le patrimoine culturel commun, renforcer les capacités humaines et techniques, partager l’expérience turque dans divers domaines et contribuer au rapprochement des peuples en dépassant les préjugés.

Créée en 1992, dans le contexte de l’effondrement de l’Union soviétique, la Tika avait pour objectif initial d’accompagner le développement des pays turcophones d’Asie centrale. Avec l’évolution de la diplomatie turque, son champ d’action s’est progressivement élargi à l’Afrique, au Moyen-Orient, à l’Amérique latine et à l’Asie du Sud. Aujourd’hui, elle intervient dans plus de 170 pays et dispose de 62 bureaux à travers le monde. Dans les pays où elle n’a pas de représentation, elle collabore avec les ambassades de Turquie.

Depuis juin dernier, j’ai pris mes fonctions à Dakar, après une mission de quatre années au Niger. Le Bureau de Dakar a une vocation régionale : il couvre, en plus du Sénégal, la Mauritanie, le Mali, le Burkina Faso, la Guinée-Bissau et le Cabo Verde.

Quelles sont vos priorités au Sénégal ?

Depuis l’ouverture du Bureau de Dakar,en 2007, plus de 230 projets ont été réalisés dans des secteurs variés : agriculture, santé, éducation, médias, etc. Nos interventions répondent toujours aux besoins exprimés par les acteurs locaux. Ce sont donc les demandes des pays bénéficiaires qui orientent nos priorités.

Au Sénégal, l’agriculture, la santé, la production, l’éducation et la formation professionnelle figurent parmi nos principaux domaines d’action. Nous privilégions une approche participative : il ne s’agit pas de simples dons financiers, mais de projets concrets, mis en œuvre avec les bénéficiaires et dont ils s’approprient les résultats. Nous insistons particulièrement sur l’implication des acteurs locaux et travaillons dans un esprit de partenariat et d’apprentissage mutuel.

Quelles sont vos activités prévues pour 2025 ?

Nous nous préparons à inaugurer la mosquée de Marega, construite à Mbao, pour répondre aux besoins sociaux des populations. Par ailleurs, huit projets multisectoriels sont en cours. Parmi eux figure la mise en place de grands jardins de production agricole dans les Niayeset à Ziguinchor, en partenariat avec l’Afao (Association des Femmes de l’Afrique de l’Ouest) et le Pam (Programme alimentaire mondial). Ces exploitations agricoles, équipées de forages, de chambres de stockage et de systèmes d’irrigation solaire, serviront de modèles modernes pour de futurs investissements. Chaque site permettra l’emploi direct de 200 à 300 femmes, générant ainsi des revenus complémentaires.

À Kolda, nous appuierons des centaines de femmes transformatrices à travers la construction de locaux adaptés, la mise à disposition de machines de production et des formations couvrant toute la chaîne de valeur.

Nous travaillons aussi dans d’autres domaines : la création d’un laboratoire de fabrication de crème solaire pour l’Association nationale des albinos du Sénégal (Anas) ; l’installation d’une unité de formation en électricité au Centre de formation de Ouakam ; l’équipement de l’unité d’urgence de l’Hôpital de Ndamatou à Touba ; la mise en place d’un atelier de production et de formation artisanale au sein de l’Agence pour la Promotion et le Développement de l’Artisanat (Apda) et l’acquisition de technologies de greffe de cornée pour le Conseil national du Don et de la Transplantation (Cndt).

Notre ambition, en 2026, c’est réaliser,au moins, un projet dans chacune des 14régions du Sénégal.

Qu’est-ce qui est fait dans le domaine de l’éducation ?

Nous travaillons actuellement sur un projet de modernisation des « daaras », en cohérence avec la politique éducative du ministère de l’Éducation nationale. Nous procédons également à une collecte de données et de demandes afin d’élaborer, dès 2026, une programmation cohérente et ambitieuse.

Je tiens aussi à souligner les efforts de la Fondation Maarif qui gère plusieurs établissements scolaires au Sénégal. Elle dispose, aujourd’hui, de trois campus accueillant près de 2000 élèves. Ces écoles suivent le programme officiel sénégalais tout en favorisant les échanges entre étudiants sénégalais et turcs. Grâce à ces initiatives, le nombre d’étudiants sénégalais poursuivant leurs études en Türkiye a triplé. Certains travaillent, par la suite, dans des institutions turques ; ce qui illustre la solidité du partenariat éducatif entre nos deux pays.

L’Institut Yunus Emre joue également un rôle important à travers ses activités culturelles et ses cours de langue turque, qui rapprochent encore davantage les peuples sénégalais et turc.

Quels effets a eu la récente visite du Premier ministre Ousmane Sonko en Türkiye ?

Cette visite a constitué un moment fort. Le Premier ministre Ousmane Sonko a été chaleureusement accueilli par notre président, Recep Tayyip Erdoğan. Plusieurs accords bilatéraux ont été signés, notamment dans les domaines de l’énergie, de la défense, de l’agriculture, de l’industrie et de la culture.

Pour nous, acteurs de la coopération, cette visite ouvre une nouvelle dynamique et nous encourage à intensifier nos projets. Nous sommes convaincus que ses retombées positives se feront sentir rapidement au Sénégal, renforçant ainsi le caractère déjà très animé et dynamique de nos activités.

Par ailleurs, la perception du Sénégal en Türkiye est extrêmement positive. Cette visite a consolidé la confiance et l’amitié entre nos deux peuples. Or, l’une des missions fondamentales de la Tika est, justement, de contribuer à lever les préjugés et à renforcer les liens d’amitié. C’est donc pour nous une source de motivation supplémentaire.