Le Parquet judiciaire financier a reçu mandat de passer au crible la gestion de l’Armée de l’air pour la période allant de 2015 à 2022. Il s’agit de voir les contrats d’armement et d’équipements qui ont été passés par ce corps, et dans quelles conditions. Chose curieuse, le militaire qui commandait ce corps prestigieux est aujourd’hui le ministre des Forces armées.
Si sur le plan économique, les choses ne semblent pas aller aussi vite que le voudraient les Sénégalais, les autorités de ce pays ne chôment pas du tout en matière de reddition des comptes. Et comme le disent les plus hautes autorités de l’Etat, sur ce point, nul ne pourrait se croire intouchable. Surtout après les révélations contenues dans le rapport de la Cour des comptes portant sur la gestion des finances publiques pour la période allant de 2019 à 2024. Des autorités politiques ont commencé à être entendues, et les militaires sont aussi dans la file, attendant leur tour.
Le Quotidien a appris que le procureur de la République du Pôle financier a demandé hier au Chef d’état-major de l’Armée de l’air, le Général de Brigade El Hadj Niang, d’autoriser l’audition par la Division des investigations criminelles (Dic), de «toute autorité militaire et la communication de tout document» qui pourrait porter sur les enquêtes ouvertes. Ce qui semble intéresser les limiers de la police tourne essentiellement, en ce moment, autour du contrat d’équipements militaires signé en février 2022 entre l’Etat-major de l’Armée de l’air et la société turque «Baykar Makina». Le Pôle financier est intéressé par les modalités du contrat et les conditions dans lesquelles il a été passé. Les services du Commissaire Mamadou Lamine Niang souhaiteraient, en plus de l’audition des personnes concernées, que tous les documents pouvant intéresser l’enquête en cours leur soient remis.
Même si cela n’est pas dit dans le document, le libellé de la demande semble pointer du doigt l’actuel ministre des Forces armées, le Général Birame Diop. L’Armée de l’air dont il a assuré le commandement en chef de 2015 à 2017, est aujourd’hui au cœur des enquêtes de la Dic. Ces enquêtes porteraient sur la période de 2015 à 2020. Il semblerait même que le chef de l’Etat Diomaye Faye avait activé l’Inspection générale d’Etat (Ige) pour une enquête dont les conclusions n’ont pas été tendres. Des personnes bien informées ont parlé de «surfacturation des équipements militaires commandés, payés et non livrés». Rien ne dit que le Général Diop ait déjà été entendu par les policiers, ou même qu’il le sera, même si la requête du Commissaire Niang ne met de côté aucune autorité militaire, si haut placée serait-elle.
En plus du marché d’armement avec les Turcs, le Parquet financier aurait également dans sa ligne de mire, plusieurs autres marchés passés par la Grande Muette dont certains avec des compagnies israéliennes. Toujours bien informées, certaines personnes disent que les autorités politiques auraient donné mandat aux enquêteurs de ne pas se laisser limiter par l’argument du «Secret Défense» qui pourrait leur être opposé. On verra s’ils vont se laisser pousser des ailes.
AVEC LE QUOTIDIEN