À Méribé Demba Aïssata, les femmes transforment l’arachide, la mangue et les céréales avec passion. Mais sans électricité, leurs rêves de conquérir les grands marchés restent suspendus.
KOLDA – Dans le village de Méribé Demba Aïssata, situé dans la commune de Saré Bidji, département de Kolda, un groupement de femmes s’active avec détermination pour transformer les produits locaux en opportunités économiques. Formées et soutenues par une Ong qui leur a offert un local implanté à la sortie du village, entre deux champs d’arachides, ces entrepreneuses produisent pâte d’arachide, mangues séchées, jus et autres denrées issues de céréales et du lait.
Leur ambition : conquérir les marchés hebdomadaires de la région et assurer leur autonomie financière. Mais un obstacle majeur freine leur élan : l’absence d’électricité. À l’intérieur du local, l’odeur des bidons de carburant posés près des deux moulins illustre les moyens déployés pour contourner les contraintes.
Dans l’autre pièce, les seaux de pâte d’arachide et les produits soigneusement conditionnés attendent d’être écoulés sur les marchés. Un petit dispositif solaire, installé pour pallier le déficit énergétique, est tombé en panne depuis plusieurs semaines. Lorsqu’elles parviennent à se déplacer, le groupement peut générer jusqu’à 500 000 FCFA par marché, preuve du potentiel de leur activité.
« Quand nous allons au marché, nos produits s’écoulent vite. Les clients apprécient la qualité, et ça nous motive à produire davantage », confie Kounta Baldé, membre du groupement, les yeux brillants d’espoir. Mais sans électricité, la production reste coûteuse et chronophage, dépendant de moulins fonctionnant au carburant.
La conservation des jus, très prisés dans cette zone de forte chaleur, est un autre casse-tête. « Sans frigos, nos jus se gâtent rapidement, surtout en cette saison chaude. On perd beaucoup de stock, et ça nous fait mal au cœur. D’ailleurs, on pense à suspendre nos activités si la situation persiste », déplore Salimata Diamanka, présidente du groupement.
Ce déficit énergétique ne se réduit pas à un simple problème technique : il freine toute l’économie locale. Les coûts élevés du carburant rognent les marges, et l’impossibilité de diversifier la production limite leur compétitivité. Pour contourner ces difficultés, elles n’hésitent pas à commander de la glace à Kolda pour conserver leurs jus.
« Si nous avions l’électricité, nous pourrions investir dans des équipements modernes, produire plus et mieux conserver nos produits. On pourrait même créer des emplois pour d’autres femmes des villages environnants », espère Kounta.
Le défi auquel elles sont confrontées n’est pas propre à Méribé Demba Aïssata. Dans de nombreuses zones rurales du Sénégal, l’accès à l’électricité reste un frein au développement des petites entreprises, particulièrement celles portées par des femmes. Et pourtant, le potentiel est immense : avec un approvisionnement fiable, ces entrepreneuses pourraient accroître leurs revenus, valoriser les ressources agricoles locales et dynamiser l’économie villageoise.
En attendant, elles poursuivent le combat avec courage et ingéniosité. « On ne baisse pas les bras. On sait que nos produits ont de la valeur, et on fera tout pour réussir », assure Mme Diamanka. Mais pour que ce rêve prenne forme, un investissement durable dans l’électrification rurale s’impose. Car derrière ces seaux de pâte d’arachide et ces jus vite périssables, c’est tout un avenir économique qui attend d’éclore.
Avec LE SOLEIL