Ma Tribune sur l’affaire du dérapage de Ngoné de Sans Limites
Antenne et responsabilité : il est temps que les médias fassent leur mue
Après l’affaire Badara Gadiaga, dont les propos inconsidérés lui ont valu un emprisonnement et ont ouvert un débat salutaire sur la tenue de l’antenne, voici que de nouveau, notre corporation se retrouve éclaboussée. Cette fois, c’est Ngoné Saliou Diop de Sans Limites qui fait l’objet d’une plainte pour des propos jugés stigmatisants à l’endroit de la communauté pulaar.
Je ne peux pas rester silencieux. Parce que ce n’est pas seulement un incident de plus : c’est le signe d’un malaise plus profond. Ce qui se joue, ce n’est pas seulement la responsabilité individuelle d’un chroniqueur ou d’une animatrice, mais bien la crédibilité de nos médias. Chaque mot prononcé en direct n’est pas anodin. Une antenne, ce n’est pas un micro ouvert au hasard, c’est un espace public, une caisse de résonance nationale. Et quand nous laissons l’improvisation, l’ignorance ou le sensationnalisme s’y installer, c’est la cohésion sociale que nous mettons en péril.
Lors de l’affaire Badara Gadiaga, j’avais interpellé la profession. J’avais dit, et je le répète aujourd’hui : il est urgent que nos radios, nos télévisions et nos web TV investissent sérieusement dans la formation continue de leurs chroniqueurs, animateurs et journalistes. La maîtrise de l’antenne n’est pas un luxe, c’est une exigence professionnelle et légale.
Je le dis avec gravité : à force de banaliser les dérapages, nous creusons nous-mêmes le fossé entre les médias et la société. Nous fragilisons la démocratie. Nous mettons en danger la paix civile. Un mot malheureux, répété et amplifié, peut blesser une communauté entière, attiser les rancunes, réveiller les fractures.
J’en appelle, une fois encore, au Conseil national de régulation de l’audiovisuel (CNRA). Le code de la presse et les textes organiques du CNRA prévoient déjà les obligations de professionnalisation et de maîtrise de l’antenne. Mais ces obligations doivent cesser d’être des principes théoriques. Elles doivent être appliquées avec rigueur et constance, pour tous les médias, sans exception.
Car ne nous trompons pas : cette question n’est pas seulement celle des Pulaar aujourd’hui, ou d’une autre communauté demain. C’est celle de l’intégrité de la parole publique. C’est la responsabilité que nous devons assumer collectivement en tant que médiateurs, chroniqueurs, journalistes, régulateurs. C’est la crédibilité de tout un secteur qui est en jeu.
Nous devons choisir : voulons-nous des antennes qui divisent ou des antennes qui élèvent ? Des micros qui blessent ou des micros qui éclairent ? Le Sénégal mérite mieux que l’improvisation dangereuse et le spectacle de l’excès.
Je n’écris pas ces lignes contre quelqu’un, mais pour quelque chose : la dignité de nos médias, la protection de notre vivre-ensemble, et la sauvegarde d’un métier qui doit rester noble.
Il est temps que chacun assume sa part.
Adama Sow