Les électeurs camerounais votent ce dimanche 12 octobre pour l’élection présidentielle. Après quarante-trois ans au pouvoir et malgré un mauvais bilan, Paul Biya reste le favori.
Les bureaux de vote sont ouverts. Les électeurs camerounais sont appelés aux urnes, ce dimanche 12 octobre, pour l’élection de leur nouveau président. Le chef d’Etat actuel, Paul Biya, est considéré comme le grand favori, malgré son âge avancé de 92 ans dont 43 passés au pouvoir, et un bilan catastrophique. Face à lui 11 candidats, dont son ancien ministre Issa Tchiroma Bakary, qui suscite un certain engouement inattendu. Les électeurs ont jusqu’à 19 heures, heure de Paris, pour voter dans ce scrutin à un seul tour.
«Trop vieux»
La plupart des Camerounais ont toujours vécu sous le règne de Biya, au pouvoir depuis 1982, et qui l’a toujours emporté avec un score de plus de 70 % ces vingt dernières années. «Tout semble bien organisé. Pour l’instant les gens ne se sont pas bousculés pour venir voter mais il est encore tôt», note Ismael Imoua, un entrepreneur de 48 ans. Il a été le premier à voter dans son bureau du deuxième arrondissement de Yaoundé, la capitale camerounaise, «pour le changement» d’un président qu’il considère «trop vieux».
«Il ne faut pas être naïf, on sait bien que le système gouvernant a beaucoup de moyens pour obtenir les résultats qui l’avantagent»,explique Stéphane Akoa, un politologue camerounais. Il note toutefois que la campagne a été ces derniers jours «beaucoup plus animée» que d’ordinaire et que «cette élection est donc peut-être plus susceptible de nous surprendre», dans un pays où 40 % des habitants vivaient sous le seuil de pauvreté en 2024, selon la Banque mondiale.

Le Conseil constitutionnel a jusqu’au 26 octobre pour proclamer les résultats définitifs. En 2018, ils avaient été annoncés quinze jours après le scrutin.
Paul Biya est resté, comme à son habitude, très discret pendant la campagne électorale. Il est finalement apparu en public mardi pour la première fois depuis le mois de mai, visiblement en forme, pour un meeting de campagne à Maroua. Cette région de l’extrême-nord est stratégique avec son plus de 1,2 million d’électeurs, soit la deuxième plus grande réserve de voix du pays.
Ses onze rivaux ont quant à eux multiplié les apparitions publiques, promettant de tourner la page du long règne et de la main de fer du second président du Cameroun depuis son indépendance de la France en 1960. Jeudi soir, son principal rival, Issa Tchiroma Bakary, 79 ans, qui a quitté en juin le gouvernement et rejoint l’opposition après vingt ans dans le giron présidentiel, a à son tour tenu un meeting à Maroua.
Le principal opposant de Paul Biya, Maurice Kamto, deuxième à la présidentielle de 2018, a lui vu sa candidature rejetée par le Conseil constitutionnel. Plusieurs ONG comme Human Rights Watch (HRW) ont ensuite exprimé leurs inquiétudes sur la «crédibilité du processus électoral».
Désabusés
Une partie des Camerounais se disent désabusés face à la perpétuation du «système Biya», alors que le chômage atteint 35 % dans les grandes villes. Mais dans ce pays où la moitié de la population a moins de 20 ans, «beaucoup de jeunes veulent aller voter et sont allés chercher leur carte d’électeur», a constaté le politologue Stéphane Akoa. Il y voit «un signal positif de changement, mais peut-être pas suffisamment fort pour faire descendre les jeunes dans la rue, comme on l’a vu à Madagascar, en Tunisie ou ailleurs.»
Les Camerounais se plaignent de la cherté de la vie, du manque d’eau potable, de soins de santé et d’éducation de mauvaise qualité, mais ces frustrations restent à ce stade cantonnées aux réseaux sociaux.
Le ministère de l’Administration territoriale a autorisé 55 000 observateurs électoraux locaux et internationaux, dont l’Union africaine. Plusieurs plateformes ont prévu de compiler les résultats de manière indépendante, pour «protéger le vote», s’attirant les critiques du gouvernement qui dénonce des tentatives de «manipuler l’opinion publique» et de «proclamer des résultats tronqués.»
Le scrutin se déroulera à l’ombre du conflit meurtrier opposant des groupes séparatistes aux forces du gouvernement dans les régions à majorité anglophones du nord-ouest et du sud-ouest. Lors de la précédente élection en 2018, l’abstention avait été particulièrement élevée dans ces régions.