Sénégal : l’alerte rouge que le pouvoir ne peut plus ignorer (Par Mamadou Sy Tounkara)

La sentence est tombée. Pour la deuxième fois en quelques mois, Moody’s Investors Service a abaissé la note souveraine du Sénégal, la faisant glisser encore plus profondément dans la catégorie des emprunteurs à haut risque. Ce n’est pas une simple mauvaise note : c’est une gifle économique et un avertissement politique majeur.

Le monde de la finance n’écoute plus les slogans

Pendant que le discours officiel continue d’égrener les formules toutes faites — « confiance des partenaires », « perspectives prometteuses », « réformes en cours » – les investisseurs, eux, regardent les chiffres. Et les chiffres ne les rassurent pas. L’économie est essentiellement affaire de confiance et le déni des autorités ne fera qu’envenimer la situation. Pourquoi s’attaquer si violemment à Moodys qui, simplement, analyse et note? Que le ministre prenne la place des agences de notation et nous dise quelle devrait être la bonne note du Sénégal !

Une dégradation de la note souveraine signifie que le risque de défaut augmente. Concrètement, cela veut dire que le Sénégal empruntera plus cher, ou ne pourra plus emprunter sur les marchés internationaux dans des conditions favorables. Moins de financements, plus de pression sur les budgets sociaux, et une dette qui coûte de plus en plus cher à rembourser.

Un pays qui vit au-dessus de ses moyens

La réalité est simple : depuis des années, le pays accumule les dettes, les déficits et les promesses irréalistes. Les arriérés intérieurs s’empilent, la trésorerie est sous tension, les dépenses courantes explosent, et la dépendance à des financements extérieurs est devenue dangereuse. Cette bombe à retardement budgétaire n’est plus silencieuse — elle tic-tac au vu et au su de tous.

La crédibilité perdue se paie au prix fort

Les marchés ne pardonnent pas l’improvisation. Le manque de transparence, les choix budgétaires discutables et les signaux contradictoires envoyés aux partenaires ont fragilisé la signature du Sénégal. Et le FMI traîne le pas, ce qui ne rassure aucun partenaire ou bailleur.

Chaque dégradation creuse un peu plus la méfiance. Et la méfiance se traduit par des taux d’intérêt prohibitifs, voire un accès fermé aux marchés financiers.

⚠ Ce sont les citoyens qui paieront l’addition

Les agences de notation ne paient pas les conséquences des décisions politiques. Ce sont les Sénégalais qui subiront les effets :

• Inflation accrue et pouvoir d’achat en berne ;

• Retards dans les projets sociaux et d’infrastructures ;

• Recrutements publics gelés ;

• Hausse du coût de la dette au détriment des services essentiels.

Gouverner, c’est anticiper et faire des choix courageux

Le temps des slogans est révolu. Il faut maintenant des décisions politiques fortes :

• Transparence totale sur la dette et les engagements financiers réels ;

• Réduction immédiate des dépenses improductives ;

• Réforme fiscale crédible et équitable ;

• Mobilisation des ressources domestiques plutôt que fuite en avant dans l’endettement ;

• Dialogue national sincère sur les priorités budgétaires.

L’histoire économique africaine est pleine d’exemples de pays qui ont ignoré les signaux d’alerte avant de plonger dans des crises brutales. Si rien n’est fait aujourd’hui, la prochaine étape ne sera pas une note « Caa1 »… mais un mur financier infranchissable.

“On ne négocie pas avec les marchés en récitant des slogans. On les convainc avec des actes.”

Attention à ne pas être dégradée encore dans six mois, s’il vous plaît !

Mamadou Sy Tounkara