Reddition des comptes : l’ex-juge Ousmane Kane alerte sur le risque de dérives judiciaires au Sénégal

Dans une analyse critique publiée par L’Observateur, l’ancien président de la Cour d’appel de Kaolack, Ousmane Kane, met en garde le nouveau régime contre les dérives possibles de sa politique de reddition des comptes. Magistrat à la retraite, il compare les pratiques observées sous les présidents Abdou Diouf, Abdoulaye Wade et Macky Sall, et estime que le Sénégal “joue avec le feu” en reproduisant certaines erreurs du passé.

Selon lui, la justice sénégalaise traverse déjà une crise de crédibilité internationale, citant l’affaire Doro Gaye, où un juge français avait refusé d’exécuter un mandat d’arrêt sénégalais faute de garanties d’un procès équitable. Il rappelle également les précédents dossiers Karim Wade et Bibo Bourgi, qui avaient valu au Sénégal une condamnation du Conseil des droits de l’homme de l’ONU pour détention arbitraire, ainsi qu’une sanction financière d’environ 200 milliards de francs CFA infligée par la CNUDCI pour déni de justice.

Ousmane Kane se dit préoccupé par la ressemblance entre les méthodes actuelles et celles jadis employées par la CREI. Il cite notamment les procédures engagées par la Haute Cour de justice et le Pool judiciaire financier (PJF), critiquant la saisine systématique des juges d’instruction à partir des rapports de la CENTIF, sans enquête préliminaire ni possibilité pour les mis en cause de se défendre en amont.

Cette approche, souligne-t-il, conduit à des arrestations précipitées et à des détentions jugées brutales, en contradiction avec les normes internationales. Il cite en exemple le cas de Mbagnick Diop, estimant qu’une simple enquête préliminaire aurait pu éviter des abus de procédure.

L’ancien magistrat évoque également la légèreté des charges dans certains dossiers traités par la Haute Cour, notamment ceux concernant Mansour Faye et Sophie Gladima.

Pour Ousmane Kane, ces failles risquent de produire des procès fragiles et des échecs judiciaires retentissants, qui affaibliraient la crédibilité de la justice et de la démarche de reddition des comptes. Il conclut que si la lutte contre la corruption demeure une cause légitime, elle doit impérativement s’appuyer sur un strict respect de la règle de droit, faute de quoi le Sénégal s’expose à de nouvelles condamnations internationales.

« C’est un prix trop lourd à payer pour un pays qui cherche à la fois à stabiliser son économie et à restaurer la confiance en sa justice », avertit-il.