En six ans, les groupes djihadistes ont doublé leur zone d’influence au Sahel, affectant le Mali, le Burkina Faso, le Niger, le Nigeria et menaçant désormais les frontières du Sénégal
Des dizaines de milliers de morts sur une zone grande comme deux fois l’Espagne : en six ans, les groupes djihadistes ont doublé l’étendue de leurs attaques dans le Sahel, selon une analyse des données de l’organisation Acled. Les différentes factions affiliées à Al-Qaïda (notamment le Groupe de soutien à l’islam et aux musulmans, ou JNIM, son acronyme en arabe) et au groupe État islamique (EI) frappent désormais dans presque tout le Mali et le Burkina Faso, de l’ouest du Niger et du Nigeria jusqu’à la frontière du Sénégal. C’est ce que révèle l’étude de six années d’opérations dénombrées par Acled, organisation indépendante recensant les victimes de conflits dans le monde. « La crise sécuritaire au Sahel est complexe et il n’existe pas de solution rapide », prévient Charlie Werb, analyste du cabinet de conseil Aldebaran Threat Consultants (ATC).
Près de 30 000 attaques
Le nombre d’attaques dans la région a explosé : de 1 900 en 2019, principalement concentrées à la frontière entre le Mali et le Burkina Faso, à plus de 5 500 en 2024, et déjà 3 800 en 2025 jusqu’au 10 octobre. Soit 28 715 en presque six ans. Avec l’expansion des opérations d’Al-Qaïda vers l’ouest du Mali et le sud du Burkina Faso, et celle de l’EI dans l’ouest du Niger et du Nigeria, le conflit contre les groupes djihadistes couvre désormais plus d’un million de kilomètres carrés, le double de la superficie de l’Espagne.
À cette vaste zone s’ajoute un deuxième foyer de violences à l’est du Nigeria près du lac Tchad, où opèrent Boko Haram et l’État islamique en Afrique de l’Ouest (Iswap). Des rapports onusiens ont récemment estimé le nombre de djihadistes entre 7 000 et 9 000 pour Al-Qaïda et l’EI, les effectifs de l’Iswap en particulier oscilleraient entre 8 000 et 12 000.
Dans ces régions qui figurent parmi les plus pauvres du monde, chaque groupe joue sur les tensions sociales et ethniques pour recruter plus largement et sur divers moyens pour se financer (« enlèvements contre rançons », vols de bétail, impôt islamique, etc.). « Certains sont recrutés et payés pour des opérations ponctuelles, d’autres pour la promesse de garder le butin des attaques en dehors des armes » et d’autres « qui sont endoctrinés » agissent pour des raisons religieuses, détaille le Dr Aly Tounkara, directeur exécutif du Centre des études sécuritaires et stratégiques au Sahel (CE3S).