Affaire Farb Ngom : Me Moussa Bocar Thiam vilipende le juge Idrissa Diarra auprès de l’IGAJ

Une plainte d’une gravité rare vient d’être adressée à l’Inspection générale de l’Administration de la Justice (IGAJ). Dans le document, au ton ferme et argumenté, Me Moussa Bocar Thiam, ancien ministre et responsable politique, dénonce les « actes arbitraires, la mise en danger de la vie d’autrui et les manquements à l’impartialité » dont se serait rendu coupable le magistrat Idrissa Diarra, président du collège des juges d’instruction du pool judiciaire et financier, dans le cadre de l’affaire Farba Ngom.

Dans la lettre plainte, dont Source A détient copie, Me Moussa Bocar Thiam accuse le juge Idrissa Diarra d’avoir violé plusieurs dispositions du Code pénal et du Statut des magistrats. En effet, l’ancien Ministre, avocat et homme politique, y évoque notamment les articles 106 du Code pénal (actes attentatoires à la liberté), 49 alinéa 2 (non-assistance à personne en danger) et 9 de la loi n°2017-10 du 17 janvier 2017 portant Statut des magistrats.

Dans sa lettre qu’il a adressée à l’Inspection générale de l’Administration de la Justice (IGAJ), dans l’affaire Farba Ngom, Me Moussa Bocar Thiam accuse le juge Idrissa Diarra d’actes arbitraires et de mise en danger de la vie d’autrui

Selon le maire de Ourossogui, tout part du placement sous mandat de dépôt de Mouhamadou Ngom dit Farba, le 27 février 2025, à la suite d’un rapport de la CENTIF. Depuis cette date, l’homme politique et homme d’affaires serait détenu « injustement » depuis près de dix mois, sans aucune audition par le juge d’instruction. L’avocat-politicien dénonce un refus systématique et injustifié de mise en liberté provisoire, malgré la production de quatre avis médicaux alarmants attestant de la gravité de l’état de santé de son client.

Il affirme que ces refus répétés constituent des délits graves, allant d’atteinte à la liberté individuelle, à la mise en danger de la vie d’autrui, en passant par la non assistance à personne en danger ainsi que des expertises médicales ignorées.

Le document révèle que le magistrat Idrissa Diarra, après avoir été saisi d’une demande de liberté provisoire fondée sur des certificats médicaux, avait lui-même désigné un expert, le professeur Alassane Mbaye, pour évaluer la compatibilité de l’état de santé de Farba Ngom avec la détention.

L’expertise conclura sans ambiguïté à une incompatibilité avec le milieu carcéral. Mais, à la surprise générale, le juge Diarra rejette la demande et ordonne une nouvelle expertise collégiale, composée cette fois de trois médecins. Ces derniers confirment pourtant les conclusions du premier expert, allant même plus loin en affirmant que Farba Ngom risque une mort subite en plein sommeil.

Malgré ces conclusions concordantes, le juge aurait persisté à rejeter la mise en liberté, orientant simplement le détenu vers le pavillon spécial, que Me Thiam qualifie de « milieu carcéral déguisé ». « Cet acharnement relève du délit d’acte arbitraire réprimé par l’article 106 du Code pénal », souligne-t-il dans sa lettre.

L’avocat et homme politique y dénonce “une instruction volontairement au ralenti, motivée par des pressions politiques” 

Au-delà de la question sanitaire, Me Moussa Bocar Thiam dénonce une inertie volontaire dans la conduite de l’instruction. Selon lui, neuf mois après l’ouverture de l’information judiciaire, Farba Ngom n’a jamais été entendu, ni confronté à ses accusateurs, ni même autorisé à s’expliquer sur les transactions qui lui sont reprochées. Il évoque une stratégie délibérée pour « faire durer la procédure afin de maintenir le mis en cause en détention ». Ainsi, le juriste y voit une violation flagrante du rythme normal de l’administration de la justice, que l’Inspection générale a, selon lui, l’obligation de contrôler au regard de l’article 3 de la loi n°98-23 du 26 mars 1998 instituant l’IGAJ.

Parlant “de soupçons de déloyauté et de partialité”, l’ancien Ministre exhorte l’IGAJ à ouvrir une enquête exhaustive sur les « comportements personnels » et les motivations politiques qui, selon lui, sous-tendent les décisions du juge Diarra

Me Moussa Bocar Thiam ne s’est pas arrêté là. Il accuse ensuite le magistrat de déloyauté et de partialité dans la gestion du cautionnement offert par Farba Ngom. Ce dernier aurait présenté des titres fonciers en garantie, conformément à la procédure de mise en liberté sous caution prévue par le Code de procédure pénale. Mais le juge Diarra aurait, selon lui, refusé de valider le cautionnement, tout en ordonnant la saisie conservatoire des mêmes titres, un « procédé vicieux » et « contraire à la déontologie judiciaire ». De tels agissements, écrit Me Thiam, « violent les devoirs d’impartialité, d’honneur et de délicatesse imposés aux magistrats » par les articles 16 et 18 de la loi organique n°2017-10.

Si l’ancien ministre justifie sa démarche par la compétence de l’Inspection générale de la justice en matière de contrôle préventif et répressif du comportement des magistrats, il rappelle que l’IGAJ dispose de pouvoirs d’investigation étendus, lui permettant d’entendre toute personne, y compris les magistrats, et d’accéder à tous les documents utiles. C’est ainsi que Me Moussa Bocar Thiam exhorte l’Inspecteur général de la justice à ouvrir une enquête exhaustive sur les « comportements personnels » et les motivations politiques qui, selon lui, sous-tendent les décisions du juge Diarra.

Dans sa conclusion, Me Moussa Bocar Thiam appelle à ce que « toutes les conséquences de droit soient tirées » à l’encontre du magistrat, estimant que « les droits de la défense doivent être scrupuleusement respectés, surtout dans les affaires impliquant de hauts responsables du pays ». Il affirme vouloir être tenu informé des diligences qui seront entreprises par l’Inspection générale.

avec actusen