Deux têtes au sommet de l’Etat, un seul pouvoir légal et légitime

«Ku dëkk ci xiddi say nawné, gor ňi la wër, ci sab der ngay mujj» : Bel enseignement tiré de la magnifique philosophie wolofe.
Un corps sain ne souffre pas en silence, sans aucune réaction, l’adhérence d’une sangsue. De même (pour s’expliquer cette métaphore), dans une République sérieuse s’appuyant sur une Constitution solide, le chef de l’Etat ne peut pas accepter au dessus de lui, la prégnance d’un autre chef (qui le regarde de haut, le prenant pour son éternel obligé) et qu’aucune attribution constitutionnelle ne vient corroborer.
Depuis bientôt deux ans, Ndumbélaan vit cette lugubre dualité au sommet du pouvoir ; le roi se faisant à chaque coup dépouiller de son autorité par un vizir aux visées inavouées. C’est comme si un serpent à deux têtes se trémousse et se tortille aux cimes du toit des allées du pouvoir ; un serpent avec une grosse tête édentée, simplement baveuse et sifflotante (mainmise sur le peuple écervelé des cinquante-quatre pour cent, sur les aboyeurs et insulteurs du net, sur des chroniqueurs manipulateurs et zélateurs, sur des intellectuels et universitaires fumistes et partisans), et une petite tête qui semble inoffensive mais véritablement venimeuse (le fameux décret qui fait et défait des carrières).
Dans la cosmologie (universellement et dans chaque culture), le serpent à deux têtes est un symbole riche et complexe. Pour le vaincre, le héros lui coupe chaque fois une de ses têtes, même si elle arrive à repousser mystérieusement. En convoquant un tout petit peu la psychologie du pouvoir, le vizir de Ndumbélaan se dépouille et se dévoile petit-à-petit à la face du monde. De par sa popularité, sa capacité à faire bouger les foules (une foule de manipulés et d’ignorants peut-elle réellement faire foule de qualité ?), il montre une mégalomanie sans précédent (il se croit invincible et tout-puissant), il vit une paranoïa aiguë (toujours victime de complot, toujours trahi par ses proches), il montre une déconnection de la réalité du monde qui l’entoure (seules les flatteries et les opinions qui lui conviennent ne comptent à ses yeux) et il adresse une corruption de l’âme (abus du pouvoir qui lui permet de tancer, d’invectiver, de calomnier qui il veut).
Ndeketeyoo ! Ce souverain que tous peignaient comme manquant d’autorité, est un taciturne qui tisse sa toile sans faire de bruit. Il sait forger le fer, scier le bois, tailler la roche, mouler le sable, lier la liane au chaume te bal du tàkk, sagar du xeeň. Ce qui semble curieux, à l’exception de Reug-Reug Bodian du Pad, de l’ancien libéral et de quelques adeptes du vizir-gourou°, ministres et Dg, tous ceux qui bénéficient d’un décret de nomination, se terrent et font le mort.
«Ku ňeme da nu laa déey» : qui a soufflé à l’oreille du roi ? Ce roi qui fait montre de son autorité, qui reprend sa position naturelle et ses aises constitutionnelles, et qui, aujourd’hui, se trace une voie personnelle sans aucune aliénation, aucune interférence externe. Mon petit doigt me dit de me rappeler le «tout petit document» que Majambal a mis entre les mains du MINT aux yeux perçants et aux longues oreilles (qui voit et entend tout de nous et de nos affaires). En tout cas, depuis, il n’est plus ňuul kukk°, mais plutôt xees pecc, set wecc°. Majambal ne souffre plus un procès public chahuteur et diffamatoire, son cas glisse vers l’évitement. C’est, comme chez le vizir et sa horde de bulldogs râpeux, qu’on s’était donné la consigne suivante : «Bayi leen ko, bu ko kenn tuddati, moytu leen ko.»
«Paaka du lekk cere, dàgg la nu koy doye» : il court le bruit incessant que le roi a reçu en audience les généraux et autres hommes de tenue qui, hier encore, étaient caricaturés comme assassins et génocidaires du peuple (trouvez-moi s’il vous plaît ce piètre avocaillon nommé Branco, qui nous venait de pays du froid !). Que se trame-t-il au sommet de l’Etat ? Je donne ma langue au chat….
Seulement un vizir doit rester un vizir, c’est-à-dire un simple serviteur loyal du roi ; en essayant d’outrepasser cette position, il s’expose et expose ses fidèles. Concluons avec cette fameuse assertion de Emil Cioran (Bréviaire des vaincus 2011) : «Tout désir outrepasse la vie ; voilà l’inconvénient de l’être. Le développement de la pensée est une variation sur le thème de cet inconvénient.»
Que le Dieu des croyants ouvre les yeux au vizir !
Amadou FALL
Inspecteur de l’enseignement à la retraite à Guinguinéo
zemaria64@yahoo.fr

facebookShare on Facebook