Actus. Quelques heures après des tirs entendus près du palais présidentiel, un groupe d’officiers affirme avoir pris le contrôle du pays. Le président Umaro Sissoco Embaló dit avoir été arrêté. Pour le chercheur Vincent Foucher (CNRS), la situation demeure « extrêmement confuse », alors que les résultats des élections générales devaient être publiés ce jeudi.
Une prise de pouvoir au cœur d’un climat explosif
Mercredi 26 novembre 2025, alors que des tirs retentissaient en plein jour près du palais présidentiel, de Bissau, un groupe d’officiers s’est présenté comme le « Haut commandement militaire pour la restauration de l’ordre », annonçant avoir pris le contrôle de la Guinée-Bissau « jusqu’à nouvel ordre » et ordonnant la fermeture des frontières. Quelques heures plus tard, le président sortant Umaro Sissoco Embaló a confirmé avoir été « arrêté » et « renversé ».
Pour Vincent Foucher, chercheur au CNRS et spécialiste de la Guinée-Bissau, cette séquence soulève de nombreuses interrogations. « La Guinée-Bissau a une histoire avec les coups d’État et le trafic de drogue, mais il y a énormément de choses étranges dans cette affaire », analyse-t-il. « Le président Embaló a pu donner des coups de fil depuis sa captivité supposée. Par ailleurs, on attendait les résultats de l’élection présidentielle, extrêmement disputée, ce jeudi. Deux récits s’affrontent : l’opposition, qui affirme qu’il s’agit d’un faux coup d’État orchestré pour interrompre le processus électoral, et le récit présidentiel d’une réaction à une menace de putsch, encore très vague à ce stade. »
Un président en détention mais toujours en communication
Selon l’expert, Umaro Sissoco Embaló se trouverait « apparemment en détention au sein de l’état-major », tout en restant en capacité de s’exprimer auprès de médias internationaux. « Il a pu contacter Jeune Afrique et France 24 pour parler de sa situation », précise Vincent Foucher.
Autre élément troublant : « le porte-parole des putschistes supposés, ou contre-putschistes supposés, est son chef d’état-major particulier, le chef de sa maison militaire ». Une configuration qui alimente encore davantage les doutes sur les motivations exactes de cette prise de pouvoir.
Pour Vincent Foucher, cette crise s’inscrit dans une continuité : « Il a toujours opéré en tant que président dans une situation de tension. Même son élection en 2019 avait déclenché des semaines de controverses, réglées seulement grâce à l’intervention des militaires ».
Des incertitudes majeures sur la suite du processus électoral
Alors que les résultats de la présidentielle et des législatives du 23 novembre devaient être annoncés dans les heures suivant le coup de force, l’avenir institutionnel du pays apparaît totalement suspendu. « Ce serait déjà bien qu’on soit au clair sur ce qui se passe exactement », résume Vincent Foucher. « L’armée est-elle divisée ? Quels hommes politiques sont en détention ? Quels autres sont protégés ? Et surtout : que va-t-il advenir des résultats électoraux ? Tout cela reste très incertain. »
Une histoire militaire lourde et une récurrence des putschs
La Guinée-Bissau a connu depuis son indépendance une succession de coups d’État, un phénomène que le chercheur explique par le poids spécifique de l’institution militaire. « C’est le seul pays d’Afrique de l’Ouest à avoir mené une lutte militaire victorieuse contre le colonisateur portugais”, rappelle-t-il. « Cela a donné à l’armée un rôle fondateur et une légitimité historique particulière. Depuis, le pays ne cesse de s’interroger : quelle place pour l’armée ? »
La question de la réforme de cette institution reste au cœur des tensions. « La réduction du poids de l’armée est une revendication régulière mais extrêmement sensible. Des réseaux militaires et politiques se disputent son contrôle, ce qui explique la récurrence des interventions militaires en politique. »
