À l’extrême-Est du Sénégal, à sa frontière avec le Mali par Diboly, entre Kidira et Kéniaba, les habitants des villages qui bordent les rives de la Falémé souffrent le martyr. Ils continuent de boire de l’eau du fleuve en étant privé d’électricité et de centre de santé. La seule consolation pour les habitants de cette région naturelle du Guidimakha, c’est la route qui est en train d’être bitumée, mais qui ne dessert pas toutes les localités.
À l’est de Kidira, sur les rives de la Falémé, les villageois des localités qui bordent ce fleuve ont le sentiment d’être oubliés par l’État. Souffrant le martyr, ils sont des milliers qui sont contraintes de s’abreuver à l’eau du fleuve. C’est un vrai désarroi que vivent les citoyens de cette partie de la région naturelle du Guidimakha, qui réclament plus de considération.
«Faute d’eau potable, nous nous abreuvons à la source du Falémé en même temps que nos animaux domestiques et les bêtes sauvages», tempête, Moussa Sidibé, un habitant de la localité qui s’est prononcé sur la situation. Si le calvaire de ces villageois persiste, c’est que leur terroir n’a jamais été raccordé au réseau d’alimentation en eau potable de la Sones. Le seul forage de la localité qui était fonctionnel pour abréger leur souffrance est tombé en panne depuis des années.
«L’autorité a été informée de la situation, mais n’a pas réagi, nous obligeant à boire l’eau du fleuve avec toutes les maladies que cela cause», peste Sidibé. Pire, pour ces populations : il arrive des moments de l’année où elles n’ont plus accès à l’eau du fleuve qui tarit. Pour disposer du liquide précieux en cette période, elles se retournent vers les marigots.
Pas d’eau ni électricité
En effet, face au cri du cœur lancé par les habitants de cette partie du Sénégal oriental, le sentiment de frustration est tel qu’un habitant se demande : «s’ils sont Sénégalais et considérés comme tels ?». En tout cas, ils n’en demandent pas moins à l’État de mettre un terme à la situation qui prévaut dans la contrée. Dans cette partie du Sénégal où l’accès est quasi impossible, aucune route goudronnée ne mène aux villages. Et cet enclavement s’empire pendant l’hivernage, où les populations sont souvent emprisonnées par les eaux pendant plusieurs jours sans aucune possibilité de déplacement d’une localité à une autre.
«On nous a promis, à chaque fois, de raccorder notre terroir au système de transfert d’eau, promis des digues et des ponts, mais rien n’est fait pour le moment», dénonce Ablaye Touré, qui se plaint des nombreux affaissements de sols qui se produisent à différents endroits de la zone. En effet, preuve que l’enclavement est réel dans cette zone, il y a des glissements de terrains dus à l’absence d’ouvrages d’évacuation des eaux pluviales. Les sentiers qui sont empruntés pour rallier les villages sont pratiquement coupés à cause d’un important affaissement de terrain.
«Nous n’avons pas cessé de demander la construction et le goudronnage du tronçon qui nous relie à la route nationale, mais les autorités semblent n’être pas dans les dispositions pour régler les problèmes», déclare avec amertume, Madou Traoré, qui souligne que «les habitant de ces localités n’en peuvent plus de vivre dans des villages totalement isolés».
À Sembédou, Hamdalaye, Guita, Gourel Bocar Samba jusqu’à Kéniaba, les villageois reprochent à l’État de n’avoir pas su, ou voulu, développer leurs localités rurales. «La vie dans nos villages est devenue un calvaire. La politique adoptée par les pouvoirs publics a poussé de nombreux citoyens à l’exode rural. Tout le monde veut aller en ville. Des habitants sont prêts à abandonner le terroir pour les bidonvilles. Nos interlocuteurs ont les mêmes problèmes avec l’électricité et le réseau mobile qui sont des luxes attendus dans la contrée. Avec les maladies qui sont occasionnées par la consommation d’une eau de mauvaise qualité, la santé est devenue un vrai casse-tête chez ces gens. Un taux de mortalité élevé y prévaut et est causé en grande partie par les conditions d’existence qui prévalent dans la zone».
En tant qu’infirmier chef d’un poste qui couvre plusieurs villages, Cheikh Tidiane avoue remarquer dans ses consultations, beaucoup de cas de diarrhée et de vomissement dont certains se soldent par la mort.
«Les campagnes de sensibilisation entreprises par la Croix-Rouge contre la boisson des eaux du fleuve et des marigots réduit certes le danger avec le traitement de l’eau, mais des cas de gastroentérite aigüe subsistent toujours», renseigne le volontaire de la santé qui travaille la nuit à l’aide d’une torche. Il déplore, à l’instar des villageois, l’état des routes qui rend difficile les évacuations. «Pendant l’hivernage, c’est par le fleuve que nous évacuons les malades. On peut facilement passer des heures sur une distance qui ne dépasse pas 50 km», a encore fait savoir l’infirmier, qui souhaite l’agrandissement des locaux du poste de santé qui ne dispose que de quelques petites salles.