Les militants de Xarébi, mouvement révolutionnaire de l’extrême gauche, se sont retrouvés ce week-end à la Maison de la Culture Douta Seck. Ils ont rendu un hommage militant à tous leurs camarades disparus au cours de ces dernières décennies. L’opportunité fut aussi un moment de communication intense sur une page politique méconnue de la gauche révolutionnaire sénégalaise, singulièrement de la gauche maoïste. Entre les lignes des discours pour la reconstruction de la gauche plurielle et le travail mémoriel de l’histoire du militantisme et du peuple en lutte, se profile à l’horizon le retour en puissance de Xarébi, l’incarnation des luttes sociales, syndicales et politiques entre les années 1968 et 2012.
Xarébi ! Une étincelle qui surgit subitement des campus pédagogiques, des campus sociaux, des lycées, de l’administration, du monde du travail et du Sénégal des profondeurs. L’étincelle se propagea dans le tissu national : éducatif, social, culturel et économique. La lutte, rien que lutte paie. On ne pouvait, a priori, mettre ces différentes formes de luttes visibles au fronton de la vie, sur le dos d’une organisation, d’un groupuscule ou de porteurs de conflits connus par la police. C’est un état d’esprit subversif radical, qui envahit tous les secteurs de la vie politique nationale. Xarébi suscita naturellement la peur, la panique, au plus sommet de l’État. Face à la renaissance du mouvement étudiant, férocement réprimé en mai 1968, le gouvernement socialiste choisit une méthode plus intelligente, plus souple, plus élective. Les responsables de Xarébi seront arrêtés, emprisonnés et torturés. Le pouvoir socialiste sera sans pitié avec l’organisation maoïste. Elle sera décapitée.
En dépit de la férocité de la répression des forces de sécurité et l’aveuglement du pouvoir socialiste à vouloir étouffer dans le sang, le mouvement de lutte dans les campus, dans les milieux du travail, Xarébi renaîtra de ses cendres. Il sera encore plus fort par sa détermination, son engagement et ses capacités à mettre en place une organisation plus solide, plus structurée et plus opérationnelle. And Jef sera ce visage emblématique de cette force mythique que fut Xarébi. Entre la répression sauvage des années 1975 et le début des années 1980, la puissance de frappe sociale et d’organisation du courant maoïste sera l’une des forces de gauche les plus actives dans le déclenchement des luttes syndicales, sociales, culturelles.
Le mouvement culturel «Cada Gui» et les Associations sportives et culturelles (Asc) et l’explosion des Organisations non gouvernementales (Ong), témoignent de la vitalité et de la puissance de feu de l’étincelle Xarébi, porteur de l’organisation And Jef. Le Mouvement bilan critique et rectification (Mbcr) fortifiera Xarébi. C’est le chemin vers la conquête du pouvoir étatique. Derrière ce mouvement social, culturel et politique revigoré, le Mbcr, se trouve une autre organisation moins ouverte, du reste très mal connue. C’est celle-ci qui, en réalité, nourrit Xarébi, And Jef et tous les mouvements syndicaux, les mouvements associatifs, sportifs et culturels, participant à la vie du peuple. C’est la mythique organisation communiste se réclamant de la pensée de Mao Tsé Toung. L’histoire de Xarébi et de Renou rewmi est ainsi inséparable de la lutte du peuple sénégalais, de la lutte pour le changement de société et de l’histoire du mouvement communiste sénégalais.
Ce passé complexe est sans nul doute méconnu par des franges importantes de la société sénégalaise, ignorant la trame de la vraie histoire de la gauche maoïste sénégalaise. C’est à ce travail de mémoire que les militants de Xarébi se sont employés ce week-end : rendre hommage à ses militants et responsables. Ce qui constitue un devoir de mémoire. Tous ces hommes et femmes sont morts au nom d’un idéal révolutionnaire et d’un projet de société : Oumar Blondin Diop, Abdou Salam Kane, Moustapha Kane, Hamidou Dia, Bineta W. Bâ, Idy Karasse Niane. Ils ont résisté, sous des formes multiples, à la loi de la terreur du parti- État, à l’exclusion des cadres de la gouvernance étatique et à l’injustice sociale. Ces militants, des experts et des rouges, se sont sacrifiés pour servir le Sénégal. Le changement de régime, en mars 2000 et mars 2012, doit beaucoup à ces militants, à Xarébi, à l’organisation communiste maoïste, à ces militants de la démocratie pluraliste, de la liberté et de la justice sociale.
La gauche maoïste partage cette page douloureuse et passionnante de l’histoire avec les militants du Pai, du Pit, de la Ld/mpt, du Rnd, de la Lct et de l’Ost. L’histoire politique du peuple sénégalais se poursuit sous nos yeux. La gauche peut et doit reconstruire son histoire. Elle doit aussi se préparer à cet avenir incertain se dessinant à l’horizon d’un monde plus complexe. Ce processus de reconstruction et de recomposition, un autre Mbcr, dépendra des capacités de dépassement de la gauche sénégalaise, de ses capacités à lire le sens de l’histoire de son peuple en lutte, et à assumer pleinement ses responsabilités.