L’éducation continue d’amorcer sa descente aux enfers dans l’indifférence générale, et les enseignants ont décidé, une fois de plus, de déterrer la hache de guerre pour pousser l’État à se pencher sur leurs problèmes.
Ainsi, le Cadre unitaire syndical des enseignants du moyen-secondaire (Cusems) avait annoncé le dépôt d’un préavis de grève, hier mercredi 6 novembre, pour dénoncer la souffrance des points de revendications inscrits dans le procès-verbal du 30 avril 2018. Pour donner de la voix à ce concert de récriminations, les enseignants regroupés au sein du G20 ont eux aussi décidé de jouer leur partition : «Nous avons déposé un préavis de grève le jeudi 31 octobre 2019. Le gouvernement dispose, conformément à la loi, un mois pour étudier les points dans la plateforme revendicative du G20. À l’expiration du préavis, donc dans un mois, si le gouvernement ne nous appelle pas, pour discuter des points qui sont soumis à son appréciation, nous aurons légalement le droit de déterrer la hache de guerre, et d’entamer la confrontation avec le gouvernement», avertit Dame Mbodji, secrétaire général du Cusems authentique. Non sans ajouter : «Dans nos revendications, entre autres points, nous pouvons citer le point relatif à l’exigence du G20, de mettre fin aux lenteurs administratives dans la production des actes d’avancement, d’intégration, de validations de reclassements, et même de radiations. Nous exigeons également l’apurement immédiat et sans délai de la totalité de la dette envers les enseignants, qui se chiffre aujourd’hui à près de 100 milliards Cfa», dit-il.
Des revendications qui reviennent avec récurrence ; chaque année, ce sont les mêmes plaintes et complaintes qui sont servies au pouvoir sans qu’il ne daigne trouver des solutions définitives, capables de pacifier l’espace scolaire. Pour un pays qui aspire à l’émergence, cela relève vraiment de l’inconséquence, étant donné que l’éducation est le moteur de l’émergence, elle en est en même temps le poumon. «Aucun pays au monde n’a jamais atteint le développement durable sans un système éducatif efficace, sans un enseignement primaire solide et universel, sans un enseignement supérieur et une recherche efficiente, sans l’égalité des chances en matière d’éducation», faisait remarquer l’ex Président sud-africain Thabo Mbeki.
Pour dire que l’éducation est l’un des instruments les plus puissants pour lutter contre la pauvreté et les inégalités, ainsi que pour jeter les bases d’une croissance économique solide. Mais cela, les tenants du pouvoir ne semblent pas trop y tenir pour le comprendre, parce qu’aujourd’hui, au Sénégal, le secteur de l’éducation est devenu le cadet des soucis de l’État, plus préoccupé à réaliser des infrastructures de prestige que d’assurer l’avenir de ses enfants.
L’éducation est aujourd’hui déconsidérée. Ses représentants, les enseignants, qui sont pourtant les premiers bâtisseurs de la République, sont recalés, dévalorisés, et méprisés, malgré la noblesse de leur difficile travail d’enseigner correctement ; malgré leurs multiples appels pour une amélioration substantielle de leurs conditions d’existence et de travail : le pouvoir reste sourd et foule au pied des accords qu’il avait pourtant paraphés et promis de satisfaire.
D’ailleurs, comment un État sérieux peut-il signer un accord depuis 2015 et refuser obstinément de les respecter ? Si ce n’est pas de la légèreté, ça y ressemble fort. Ce qui est le plus regrettable, c’est qu’au moment même où l’État passe outre ses engagements avec les enseignants, il entretient à coup de milliards des institutions budgétivores comme le Hcct, le Cese ; il ne se prive pas aussi de se payer des bolides dont le montant dépasse les 300 milliards etc.
Pour dire que le pouvoir a bel et bien les moyens de satisfaire les revendications des enseignants, seulement il n’en a pas la volonté politique.