L’heure est grave. La situation devient de plus en plus inquiétante. Les viols suivis de meurtres, les meurtres et les agressions mortelles exercés sur le genre féminin font légion au Sénégal. L’Association des juristes sénégalaises (Ajs) tire la sonnette d’alarme. L’Ajs, par la voix de sa présidente, souligne avoir dénombré une douzaine de cas depuis le début de l’année 2019. De Tambacounda à Dakar et sa banlieue, en passant par Touba, Diourbel, Thiès et les autres régions du pays, c’est «silence on viole et on tue les femmes».
Bineta Camara et Khady Sèye : deux jeunes femmes ; une fin de vie triste.
Le 18 mai 2019, le Sénégal oriental (Région de Tambacounda) a vécu l’horreur. Une scène abominable ! Les populations de Tamba ont appris avec beaucoup de peines et de regrets le meurtre de la jeune fille Binta Camara. Cette dernière a été tuée par strangulation dans la maison familiale, par un agresseur qui a d’abord tenté de la violer. Ce drame, survenu le 18 mai exactement, a créé l’émoi et le mécontentement chez les Sénégalais. Le choc était profond. La scène horrible. L’indignation fut totale. Des voix de désapprobation se sont élevées pour dire «assez». Des séries de manifestations ont été organisées à Tambacounda et à Dakar pour dire «ça suffit !».
Mais une semaine auparavant, les habitants du quartier Hersent à Thiès ont été choqués par le meurtre de Coumba Yade. Cette jeune fille qui était âgée de 23 ans, a été retrouvée morte dans la chambre de son petit-ami, qui l’a poignardée. Toujours au mois de mai, une femme âgée d’une quarantaine d’année a été retrouvée morte au marché Salagne-Salagne de Ouakam (Dakar). Elle a été découverte nue. Ce qui laisse présager que son bourreau l’aurait violée avant de la tuer.
Alors que ces meurtres ne sont point effacés de la mémoire des Sénégalais, un autre cas secoue la ville sainte de Touba. Ce samedi 4 novembre, alors que la ville de Khadimou Rassoul vit au rythme des «Khassaïdes» déclamés et la lecture du Coran, comme habituellement, les populations sont subitement perturbées par le meurtre d’une jeune mère de famille. Il s’agit de Khady Sèye. Elle était âgée de 23 ans et enceinte de 3 mois. Mère de deux bouts de bois de Dieu, Khady Sèye a été tuée par son co-locataire, Cheikhouna Diop, qui a affirmé avoir tenté de la violée d’abord avant de commettre l’irréparable.
La liste des viols suivis de meurtres ou d’agressions mortelles exercées sur des femmes est loin d’être exhaustive. Le mercredi 23 octobre dernier, alors qu’elle se rendait à son lieu de travail, Yacine Sané, âgée de 23 ans, a été agressée dans un car de transport en commun de type “Ndiaga Ndiaye”, par deux malfaiteurs qui lui ont arraché son sac. Voulant les poursuivre, elle fait une chute et se retrouve avec des blessures graves. Yacine a rendu l’âme au cours de son évacuation à l’hôpital. Ses agresseurs courent toujours.
L’Ajs monte au créneau et dénonce la lenteur de l’application de la loi qui criminalise le viol
Le viol suivi de meurtre exercé sur Khady Sèye à Touba a fait sortir l’Association des juristes sénégalaises (Ajs) de ses gonds. L’organisation féminine dénonce avec la dernière énergie cet énième cas de meurtre. «Nous sommes très déçues. Nous sommes fâchées de la lenteur de l’application de la loi qui criminalise le viol, par l’autorité judiciaire», confesse Mme Aby Diallo. Le 3 mai 2019, le Président de la République, Macky Sall, a demandé à son ministre de la Justice de préparer un projet de loi criminalisant le viol et la pédophilie. Mais les choses n’avancent pas ou avancent à pas de caméléon. «Cet énième cas de meurtre sur Khady Sèye a fini de nous convaincre que les peines appliquées jusque-là ne sont pas suffisantes. Du moins, elles ne sont pas dissuasives. Apparemment cela ne dérange pas ceux qui doivent appliquer les peines», regrette la présidente de l’Ajs.
À l’en croire, l’affaire Khady Sèye doit connaître une sanction exemplaire. «J’interpelle l’autorité judiciaire. Il faut que la justice règle le problème de fonctionnement pour régler certains dossiers en temps opportun. L’engorgement des cabinets d’instruction ne peut pas résister à ce qui se passe actuellement», cogne-t-elle à nouveau. L’Ajs dit avoir dénombré une douzaine de cas de viols suivis de meurtres, de meurtres exercés sur des femmes depuis le début de l’année 2019. «Nous rappelons le Président Macky Sall son engagement par rapport à la loi pour la criminalisation du viol. L’heure est grave», soupire-t-elle.