Interpellé sur le retrait des enfants de la rue lors du lancement du dialogue national le 28 mai dernier, le Président Macky Sall avait déclaré devant l’assistance : «L’affaire des enfants de la rue, je l’ai dit à Aly Ngouille Ndiaye. Il faut qu’on la règle après la Korité, et définitivement. Les enfants qui mendient dans la rue sont différents des enfants des «Daaras». Et je suis d’accord qu’on répertorie les écoles coraniques afin de les aider».
Depuis lors, rien ! Les enfants continuent leur chemin de croix en arpentant les rues de la capitale à la recherche de pitance et piécettes, plus nombreux que jamais. Dans le documentaire publié ce week-end par la chaîne de télévision américaine et qui risque de ternir davantage l’image de marque du Sénégal, il est ditqu’aujourd’hui, ce sont plus de 100 mille enfants qui sont poussés à la mendicité forcée. Même si le documentaire ne nous apprend rien de nouveau, ce que l’on ne peut pas comprendre c’est pourquoi à chaque fois que le pouvoir promet de mettre fin au calvaire de ces couches vulnérables il finit toujours par freiner des quatre fers. Nul ne sait combien de fois le régime actuel avait annoncé sa volonté de retirer les enfants de la rue avant de faire volte-face.
Et ce qui est le plus choquant dans cette situation est le fait qu’on ne se soucie du cas de ces êtres fragiles que quand survient un drame. Et dans ces cas, c’est toujours des discours empreints de fermeté que l’on sort avec des promesses de retrait qui ne durent que le temps de laisser la clameur s’estomper. Ce fut le cas notamment lors du grave incendie survenu à la Médina le 3 mars 2013 et qui avait vu 9 enfants dont l’âge variait entre 6 et 10 ans périr de façon atroce dans les flammes. Au lendemain de ce drame qui avait plongé le pays dans l’effroi et l’émoi toute la République, au premier chef son président s’était déplacé sur les lieux. Ainsi, face à l’ampleur du drame, le chef de l’État avait tenu un discours ferme : «Nous sommes contre la mendicité des enfants. Nous ne tolérerons plus que des gens organisent la mendicité, au nom de l’Islam, jusqu’à entraîner la mort d’enfants comme on l’a vécu avec la perte de 9 talibés !».
Non sans qualifier, avec une mine visiblement affectée, «d’inhumaines» les conditions dans lesquelles vivaient ces enfants. Avant de promettre un appui aux établissements devant dorénavant prendre en charge les jeunes talibés, comme le centre «Guindi». Pour finir, le président avait appelé à la fermeture pure et simple de tous les Daaras qui ne répondent pas aux normes requises. Une enquête avait été promise pour situer les responsabilités et éventuellement sanctionner les fautifs. Mais par manque de suivi, le phénomène a repris son cours normal jusqu’en juillet 2016, plus précisément après la prière de la Korité, quand le Président Sall était revenu à la charge : «Depuis quelques jours, j’ai donné des instructions très fermes au gouvernement pour mettreun terme à cette image insoutenable d’enfants abandonnés dans la rue», avait-t-il encore dit. Selon le chef de l’État, «ce ne sont pas des enfants de la rue, mais les enfants dans la rue». Car selon lui, «il n’y a pas d’enfants de la rue, et tous les enfants ont la même dignité». «Ce n’est pas parce qu’ils sont issus de milieuxpauvres, modestes qu’on doit les laisser à la merci de la rue», avait-il déclaré en précisant que ce «n’est pas une question religieuse». Après cette sortie de Macky Sall, les enfants ont été une fois de plus laissés à eux-mêmes. Mais après les multiples rapts d’enfants notés dans le pays, l’État avait relancé le processus de retrait des enfants de la rue le vendredi 30 mars 2018. L’opération, dirigée par la préfecture de Dakar, en collaboration avec le ministère de la Bonne gouvernance et de l’enfance et celui de l’Intérieur, avait connu un début d’exécution avant de s’estomper net comme les précédentes. Aujourd’hui, avec la diffusion de ce documentaire de Cnn, les images sont si choquantes qu’il faudra s’attendre à ce que le pouvoir, sur injonction des bailleurs de fonds qui ne badinent pas avec les droits des enfants, ne sorte de sa léthargie pour donner encore un autre rendez-vous pour retirer les enfants de la rue, au risque de se voir privé de financements.