L’éducation traditionnelle familiale est restée longtemps la base nourricière de l’éducation au Sénégal. Elle a composé durant des siècles avec l’éducation coranique et l’éducation française. Les indices d’un effondrement de cette première forme éducative négro-africaine, ne cessent de prendre de l’ampleur au sein de la cellule de base, qu’est la famille et au centre de la société sénégalaise contemporaine. Tout laisse d’ailleurs croire que les nouvelles et futures générations, perdront singulièrement les valeurs culturelles de base de cette éducation au regard des mutations se dessinant à l’horizon de la civilisation numérique et des influences des Nouvelles technologies de l’information et de la communication.
L’éducation traditionnelle familiale est le fondement de la transmission des connaissances, des savoirs, des modes de vie et de la culture dans de nombreuses sociétés africaines. Cette éducation traditionnelle a eu deux piliers essentiels, notamment, la famille et le groupe d’âge. Ces deux leviers joueront deux fonctions complémentaires. Les parents de l’enfant, notamment le père et la maman, assurent par la voie orale l’éducation de l’enfant dès sa naissance à un certain âge variant entre huit et dix ans. Cette période correspond au moment où l’enfant n’a pas réellement, les capacités physiques et intellectuelles de fréquenter d’autres enfants de son âge. La maman constitue à ce stade, la protectrice de l’enfant et la source de l’éducation aux valeurs sociales, culturelles et religieuses par la langue maternelle.
La mère, n’est point solitaire dans cette éducation globale. Le Grand-père et la grand-mère, les parents proches, notamment, les frères et sœurs, l’oncle et la tante, occupent une place non négligeable dans le processus de l’éducation et de l’intégration de l’enfant dans son tissu familial et son environnement immédiat. Cette structure familiale élargie construit le caractère de l’enfant, sa personnalité, façonne son esprit et son imaginaire culturel. Le groupe d’âge est une autre composante majeure de cette éducation familiale traditionnelle.
La famille et le groupe d’âge représentent deux structures complémentaires de l’éducation traditionnelle. Elles vont structurer la vie des jeunes adultes et accompagner les enfants dans la vie active. Les groupes d’âges sont préservés pour toute la vie. Le groupe d’âge sera toujours là, pour assister le membre amoureux, qui se marie, qui célèbre un évènement heureux ou malheureux. La pénétration de l’Islam et le triomphe de la religion musulmane, n’ont point éradiqué cette forme de l’éducation de base. L’Islam a plutôt composé avec cette forme éducative.
L’école française va, par contre, briser dans la durée, les fondements et les modes de fonctionnement de cette éducation traditionnelle avec l’introduction de l’école française. Les jeunes en âge d’aller à l’école fréquenteront de moins en moins, l’école coranique et les groupes d’âge. Le poids et l’influence de l’éducation traditionnelle seront affaiblis par la modernité. L’accession du Sénégal à la souveraineté internationale correspond à l’accélération du processus de l’affaiblissement de l’éducation traditionnelle familiale. La dislocation de la famille sénégalaise et de l’éducation traditionnelle familiale, ont des liens étroits avec la crise des sociétés rurales et paysannes, d’un côté, et les mutations globales de la société contemporaine, de l’autre.
Les indices de l’effondrement des traditions et de l’éducation familiale traditionnelle se multiplient d’une décennie à l’autre. La famille nucléaire est désormais une réalité établie en ville et en campagne. La famille traditionnelle se meurt d’une certaine façon dans le Sénégal des profondeurs, où ne vivent réellement que les personnes âgées et les femmes. Et, encore ! Qui parlerait aujourd’hui de l’éducation familiale traditionnelle à ses enfants en ville et dans les campagnes éjectant ses forces juvéniles par vagues ? La réponse à la question est évidente. Les jeunes générations ignorent cette histoire de l’éducation traditionnelle. Elle est déjà très lointaine pour de nombreux pères et mères de famille. Ce qui se dessine à l’horizon laisse penser que les jeunes générations sont définitivement ou presque, entrées dans une nouvelle civilisation numérique sans les traditions et ses valeurs.
Les nouveaux modes de communication et de vie, ses mécanismes de transmission des connaissances et des savoirs, sonnent la mort programmée du groupe d’âge. Le groupe se réduit aux contacts du portable. L’internet assure l’éducation. Les médias et les réseaux sociaux transmettent les valeurs communes à une génération rivée au virtuel, à la liberté et à l’évasion dans le futur imaginaire. La tradition et les valeurs héritées des sociétés africaines s’effondrent.
Ce processus, irréversible, aura des conséquences significatives dans le fonctionnement de la cellule familiale, dans le système éducatif traditionnel, moderne et la transmission des valeurs et des connaissances. Le vieux monde des traditions et son système éducatif, se conjuguent difficilement avec l’éducation impulsée par les nouvelles réalités technologiques et les mentalités de la jeunesse. Peut-être que demain, les Ntic raconteront la légende de l’effondrement de l’éducation traditionnelle.