Les conflits à l’intérieur de l’Alliance pour la République, les citoyens réclamant le droit à une vie meilleure, dans un contexte de crise de l’économie sénégalaise, à l’épreuve des exigences des bailleurs de fonds, notamment le rétablissement de la vérité des prix, plus de contrôle de la dette, ont plombé l’action du pouvoir exécutif dès l’entame de ce second mandat. Le pouvoir républicain évolue dans un brouillard total, réduisant la vision étatique à la gestion des urgences, soumise désormais à la menace de trois bombes.
Les conflits à l’intérieur du parti exerçant le pouvoir étatique, sont assez souvent les premiers signes révélateurs d’un malaise institutionnel, qui finit toujours par se manifester ouvertement, à travers une crise interne et de gouvernance politique. Le Parti socialiste et le Parti démocratique sénégalais ont exercé le pouvoir étatique respectivement entre les années 1960 et 2000, et entre les années 2000 et 2012. Ils ont connu des conflits internes qui se sont soldés par la perte du pouvoir.
Ces conflits ont produit, avant la fin de règne, des frustrations, des conflits de positionnement puis des cascades de départs de responsables politiques à divers échelons. Ce qui a entraîné, sur le long terme, la chute de ces régimes.
Ces conflits internes se sont généralement conjugués à des périodes de fortes tensions sociales et politiques, d’un côté, et de luttes politiques ouvertes entre le pouvoir et son opposition, sous la surveillance des bailleurs de fonds, de l’autre. La perte du pouvoir du Parti socialiste et du Parti démocratique sénégalais renseigne suffisamment au sujet des relations étroites entre les conflits internes d’un parti au pouvoir, les contextes politiques conflictuels et la perte quasi inéluctable du pouvoir.
Les conflits de positionnement au sommet de la hiérarchie de la formation républicaine s’enchevêtrent à des rivalités crypto-personnelles entre responsables et proches du président de la République. Le président de l’Apr est probablement conscient de ces rivalités. La suppression du poste de Premier ministre par le président de la République réélu à sa propre succession, participe de cette prise de conscience des rivalités et d’une volonté du président de l’Apr de couper court à tout conflit significatif entre les prétendants au poste de chef de gouvernement. Le refus de désigner un adjoint ou une deuxième personnalité politique influente, après le président fondateur, obéit à cette logique de tuer dans l’œuf toute tentation d’instaurer une lutte au sommet de l’État et/ou du parti présidentiel.
L’épouvantail du troisième mandat présidentiel est à inscrire, dans une large mesure, dans cette stratégie de freiner un quelconque conflit potentiel entre le président de l’Alliance pour la République et des éventuels candidats à la tête de l’Apr et de l’État. Cette option du maître du jeu républicain a apparemment plombé gravement la gouvernance de l’Apr, et par extension, l’animation du Benno bokk yakaar et le fonctionnement du gouvernement.
L’Alliance pour la République et le gouvernement se réduisent ainsi à la volonté du chef de parti. La pression exercée sur le président de l’Apr, par ailleurs, premier responsable de la coalition Benno bokk yakaar, se mesure aux critiques ouvertes de franges importantes dénonçant le fonctionnement personnalisé de l’Apr paralysée par la mise à l’écart des fondateurs responsables du fonctionnement du parti présidentiel et de la gouvernance. La crise de l’Apr se dessine à grand trait à l’horizon. Une bombe à retardement.
Pendant ce temps de malaise républicain, l’augmentation du prix de l’électricité est venue déclencher la spirale des tensions sociales et politiques. La société civile, les acteurs politiques et certaines organisations syndicales n’entendent pas laisser passer cette décision gouvernementale mettant en péril toutes les promesses d’un Sénégal pour tous par tous et de tous.
C’est probablement une révolte populaire qui est la plus redoutée par le pouvoir républicain. Les Sénégalais ont accordé à la seconde alternance un état de grâce plus long que d’habitude. Le premier mandat présidentiel n’a pas connu réellement une pression des populations et de la rue. Le risque d’une pression sociale est à l’ordre du jour du second mandat présidentiel. La hausse prévisible des denrées de première nécessité pourraient provoquer à terme une désillusion et une révolte sociale. Une deuxième bombe sociale. Elle a perdu, en leur temps, le pouvoir socialiste et le pouvoir libéral.
La situation de l’Alliance pour la République et les risques sociaux que pourraient secréter la hausse du prix de l’électricité et des denrées de consommation de masse, placent le pouvoir républicain dans un épais brouillard. La vision du chef de l’État est presque réduite à la gestion des urgences de l’heure. La pression des bailleurs de fonds représente une des sources de pression. Une troisième bombe financière. Les bailleurs ont injecté des milliards et des milliards. C’est le temps du retour de l’ascenseur.
Le seuil critique de la dette du Sénégal n’est point étranger à la vigilance grandissante de la Banque mondiale et du Fonds monétaire international. La décision présidentielle de ne pas augmenter les salaires des travailleurs, d’orienter tous les nouveaux bacheliers du Sénégal dans les Universités publiques et la recherche frénétique de l’argent par tous les moyens (augmentation des prix de l’électricité) et les taxes en tous genres présagent la fermeté des bailleurs de fonds. Ces derniers veulent à tout prix le respect des grands équilibres macro- économiques, la stabilité sociale et politique. Un jeu d’équilibre difficile en soi.