Silence, on réprime le peuple en souffrance (Mamadou SY Albert)

La violence de l’État contre les manifestants à la Place de l’Indépendance de la semaine dernière est assurément une alerte à la société civile et à tous les acteurs politiques de la mouvance de l’opposition. La brutalité des forces de défense et de sécurité, l’usage de grenades lacrymogènes, les arrestations, l’infiltration de la marche par des policiers en tenue civile, constituent des signes  d’une volonté politique inavouable de réprimer avec férocité tous ceux qui sont tentés de manifester contre l’augmentation du prix de l’électricité.

Ce tournant d’une gestion anti-démocratique des libertés publiques et des droits d’expression ouvre les chemins à une violence contre le mécontentement grandissant des populations et de la jeunesse. La hausse du prix de l’électricité est une pilule que les consommateurs  sénégalais et des pans entiers des acteurs économiques privés ne digèrent point. Elle est impopulaire. Elle est inacceptable pour des raisons évidentes. C’est un peuple épris de justice sociale qui est contraint par l’État de participer malgré lui, financièrement, à la gestion d’une société nationale. Le ressentiment d’une décision arbitraire, brutale et injuste économiquement, ne souffre de doute entre la révolte et les lignes d’une révolte sociale contenue.

La société civile a pris ses responsabilités de manifester en portant sur ses épaules la colère populaire contre l’augmentation scandaleuse à ses yeux, d’un produit de consommation de masse. Il s’agit de défendre ni plus, ni moins, le pouvoir d’achat des populations, des travailleurs. C’est au gouvernement par contre de  mener une réflexion susceptible de trouver d’autres solutions que la hausse à des difficultés réelles ou imaginaires de la gouvernance d’une entreprise.

La société civile entend refuser, de manière pacifique, contre une décision éminemment politique et ses conséquences néfastes sur les ménages, singulièrement les foyers sociaux les plus affectés par l’impact de la crise économique et sociale. La marche pacifique autorisée ou non et  les principes  régissant l’État de droit responsable devant son peuple, ne sont guère en opposition. Ces principes régissant la vie démocratique vont plutôt ensemble dans une démocratie pluraliste mature. La répression de la marche citoyenne de la semaine dernière interpelle notre conscience nationale : le respect de notre Constitution.

Le Sénégal devrait tourner définitivement cette page sombre de la mise en berne de notre charte fondamentale pour des raisons gouvernementales abusives, partisanes ou des intérêts de groupes au pouvoir. La majorité au pouvoir doit mettre fin à un État de droit fonctionnant à deux vitesses politiques, suivant que l’on soutient le pouvoir ou que l’on s’inscrit en opposition à ses décisions. Être pour ou contre, dans une démocratie, est de l’ordre du normal, de l’acceptable et de la pluralité des opinions.

La brutalité des forces de sécurité ne relève guère d’une consigne de police à prendre à la légère. Elle est préméditée. Elle est massive. Elle est aveugle. L’usage des grenades lacrymogènes contre des manifestants civils, les arrestations des acteurs politiques et des journalistes en exercice, n’honorent guère notre démocratie et l’État de droit. L’infiltration de la marche par des hommes soupçonnés à tort ou à raison travailler au service de la police, rappelle les pratiques sécuritaires d’un autre âge de la démocratie. Ces méthodes dignes des dictatures en perte de vitesse ont nourri dans le passé des disparitions, des meurtres et des abus de pouvoirs contre des adversaires encombrants.

La violence a été exercée en prison contre un acteur de la société civile, précisément, le docteur, Babacar Diop, enseignant-chercheur à l’Université Cheikh Anta Diop. Ces actes condamnables d’une violence étatique massive  trompent difficilement au sujet de la volonté de réprimer toute protestation contre la hausse du prix de l’électricité et les prochaines mesures gouvernementales.

La violence étatique est en train de s’installer au Sénégal, dans la rue publique, dans les campus sociaux et dans les prisons. Le glissement de l’État de droit vers un État policier au service du gouvernement peu soucieux du respect de la Constitution et des libertés est une menace très sérieuse. Les méthodes de gouvernance du pouvoir républicain semblent privilégier progressivement la répression tantôt sélective contre des radicaux, tantôt massive à travers les arrestations, l’usage de grenades lacrymogène, le musèlement de la presse et de l’opinion publique nationale.

Cette perspective autoritariste se dessine à l’horizon et interpelle les démocrates, les acteurs politiques et ceux de la société civile. L’État de droit doit être plus que jamais protégé. La répression et les arrestations n’ont jamais mis fin à la marche démocratique et aux protestations légitimes du peuple. Elle a fini toujours par créer les conditions d’une révolte populaire contre l’injustice sociale, les privations des libertés collectives et individuelles.

 

 

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