La controverse au sujet du franc Cfa remet de nouveau sur le tapis, la relation empoisonnée entre la France, ancienne puissance colonisatrice et les pays africains. Moins de six décennies après l’accession à la souveraineté internationale des anciennes colonies françaises, singulièrement occidentales, la question de l’indépendance des États post-coloniaux demeure entière.
Le franc Cfa n’est qu’une des formes d’expression des vestiges d’une domination à la fois politique et économique. Les chefs d’États africains actuels sont plus que jamais sous l’influence hégémonique des intérêts politiques et économiques de la France et de l’Occident. Faudrait-il faire avec cette domination multiséculaire, en cultivant l’illusion d’une indépendance monétaire ? Ou exiger une réelle indépendance de l’Afrique de toutes les formes de domination ? C’est à cette question majeure que l’élite panafricaine doit trouver une réponse.
L’annonce de la mort du franc Cfa remodelé par les Présidents ivoirien et français a suscité naturellement des réactions vives au sein de l’opinion publique africaine. La révolte contenue entre les lignes des propos de spécialistes de la monnaie, de l’économie ou de simples citoyens africains, est à la dimension d’un ressentiment culturel très profondément ancré dans les esprits et dans les cœurs des Africains. La France est encore et toujours là. Elle est à la fois la puissance politique et économique.
C’est elle qui détermine, valide et autorise les grandes orientations du développement de l’Afrique. Elle fixe les règles du jeu économique et financier suivant ses propres intérêts géopolitiques. Elle est toujours gagnante dans ce partenaire. Bien des franges de l’opinion africaine ont été outrées et meurtries par les arguments trompe l’œil servis officiellement par les deux présidents de la République. Ils ne rassurent en réalité que les partisans de la France-Afrique toujours en mode de remodelage suivant les contextes.
Jamais la pression politique des panafricanistes n’a été si forte sur la relation pourrie -culturellement – entre le continent noir et l’Occident, singulièrement la relation chaotique entre la France et l’Afrique. Emmanuel Macron ne cesse d’ailleurs de montrer des indices d’un malaise culturel français persistant : celui d’être toujours la cible des critiques des Africains réclamant légitimement la fin de la colonisation. La future monnaie de l’Afrique, ne modifiera que superficiellement les rapports entretenus depuis l’accession des pays africains à la souveraineté internationale. La pilule injectée à l’Afrique monétaire ne semble pas être passée. La France-Afrique va encore et encore polluée les relations entre l’ancienne puissance colonisatrice et ses anciennes colonies. La perspective de la mort du franc Cfa a plutôt réveillé de mauvais souvenirs coloniaux.
Moins de six décennies après les indépendances, la question de l’indépendance des États post-coloniaux africains ressurgit en terre ivoirienne. Et, c’est le président français qui l’a déterre en personne. Le franc Cfa constitue un indice majeur de la survivance coloniale au plan politique, économique et culturel. C’est une monnaie de l’ancienne puissance colonisatrice. Elle a été créée pour servir de monnaie d’échanges commerciaux entre le pays de l’ancien maître dominant et les anciens pays dominés.
Par des mécanismes de subordination à ses intérêts de l’époque, la France a gardé les pays africains indépendants ou proclamés tels sous son influence politique, économique et commerciale. C’est la vérité historique simple et facile à comprendre. Quel que soit le nom que cette monnaie portera, si les mécanismes financiers et monétaires de garantie et d’échanges de cette monnaie sont maintenus, les pays africains resteront sous la domination de l’ancienne puissance tutélaire. La controverse à propos de l’Eco est à la limite un faux débat politicien alimenté par les présidents africains soumis à l’influence de la France.
Ces chefs d’États africains alimentent l’illusion d’une indépendance monétaire. La monnaie ne peut être dissociée de la gouvernance politique et économique. L’indépendance des pays africains est la question centrale du développement de l’Afrique. L’Europe est en train de se construire. La France milite en faveur du renforcement de l’Euro et de l’Union Européenne. L’Asie, l’Amérique et les autres continents bâtissent progressivement des regroupements régionaux avec leurs propres monnaies. La bataille de l’influence fait rage entre tous ces continents. Tous ces continents sont conscients des enjeux politiques, culturels et économiques de l’Unité continentale et de la monnaie dans un monde globalisé financièrement. L’Afrique traîne. C’est le seul continent qui ne s’inscrit pas réellement dans le processus de sa construction, de son unité politique, économique. L’État fédéral africain est ainsi enterré par les chefs d’États post-coloniaux. Et pourtant, c’est l’État fédéral assumé qui va sauver l’Afrique, ses intérêts et son identité politique et culturelle.