Ces temps-ci, il est beaucoup question de cleaning day, de Dakar zéro déchet et tutti quanti. À travers cette initiative, le Président Macky Sall a l’ambition de faire du Sénégal un pays propre.
Lors du lancement de cette opération, le Président Sall soutenait en ces termes ceci : «Il faut que nous changions de comportement, le plastique a fait trop de mal à l’environnement. On ne peut pas continuer à faire comme si de rien n’était», avait déclaré le chef de l’État. De même que le plastique fait trop de mal à l’environnement, la mal gouvernance endémique cause trop de dégâts dans le pays. Parce que la politique, c’est avant tout la gestion de la cité ; et cette gestion doit être propre, incarnée par des hommes dotés de probité morale et intellectuelle.
Mais aujourd’hui, la vraie saleté dont il faut se débarrasser c’est mal gouvernance habituelle, le mensonge régulier, la corruption encastrée, l’arrogance coutumière, la transhumance à outrance, le trafic d’influence tous azimuts, le népotisme banalisé, la gestion patrimoniale viscérale du bien public, le trucage sophistiqué des élections, les invectives permissives, les détournements ahurissants et honteux des deniers publics, la plate médiocratie des responsables promus etc.
Autant de maux qui gangrènent la bonne marche du pays et qui ont fini de plonger les populations dans le désarroi, si ce n’est le découragement total. Comme disent les Chinois, «le poisson pourrit toujours par la tête» ; et si présentement la capitale est devenue aussi méconnaissable, c’est tout d’abord la faute aux dirigeants, plus soucieux de leur confort particulier que de celui de l’ensemble de la population pour qui ils sont censés travailler.
Aujourd’hui, ce qu’il faudrait nettoyer en premier, ce sont les détourneurs de deniers publics qui privent les populations de structures sanitaires adéquates, d’ambulances, d’écoles etc. Bref, les vraies ordures à nettoyer, ce sont tous ceux qui contribuent à perpétuer le système dans l’ignorance et la misère des Sénégalais-es. D’ailleurs, le lien commun entre tous les pays au monde où règne la propreté est que la bonne gouvernance y a droit de cité, le bien commun y est sacré, contrairement sous nos tropiques où les dirigeants ont tendance à se servir au lieu de servir les citoyens qui les ont élus.
C’est pourquoi cette opération n’a pas l’engouement escompté, car les populations semblent avoir tourné le dos aux politiciens qui usent et abusent de leur crédulité pour parvenir à leurs fins. Aussi, pour une adhésion des citoyens sans qui cette opération sera un fiasco total, il faudrait d’abord procéder à une opération de nettoyage et de désencombrement des mentalités, en y extirpant cette propension des dirigeants consistant à vouloir – eux et leurs proches- accaparer le bien public. Il faudrait que l’argent public soit bien géré et qu’il serve à tout le monde et non à quelques privilégiés. Par exemple, il faudrait que les collectivités locales soient impliquées : elles doivent embaucher pour le nettoyage des rues et le ramassage des ordures. Il faut également distribuer des poubelles en quantité suffisante et en installer dans les rues. Les pays propres n’ont pas de cleaning-days parce qu’ils l’ont intégré dans leur quotidien. Le ramassage des ordures doit être fait par des professionnels et non des éboueurs non motivés ou des charretiers qui n’ont rien à faire dans les quartiers, parce que la propreté ne doit pas être un slogan, mais une affaire de tous et de tous les jours.
Les Sénégalais ne sont pas sales, c’est juste qu’il n’y a pas dans ce pays de vraies politiques de salubrité publique. Le développement ne se fera qu’avec l’ensemble des fils du pays : d’où l’absolue nécessité de combattre la corruption, l’injustice et la gabegie pour donner envie aux citoyens de croire en l’action publique et de s’impliquer activement.