Liberté en danger au Sénégal (Mamadou SY Albert)

L’emprisonnement de l’activiste Guy Marius Sagna, leader de Frapp «Frange Dégage», remet la liberté de pensée et d’action au centre de la gouvernance du Président de la République en exercice, Macky Sall. Pour avoir osé dénoncer l’augmentation du prix de l’électricité par le gouvernement, et protesté, par une manifestation pacifique devant le Palais de la République, l’acteur politique est en prison depuis quelques mois. Une atteinte grave à la liberté. Ce cri du cœur porté par la société civile a été celui de tous les démocrates du Sénégal depuis des décennies sous le règne des socialistes et des libéraux. La liberté est ainsi en danger de manière permanente au Sénégal. Il se profile à l’horizon du deuxième mandat présidentiel, une gouvernance plus musclée. Le leader de Frapp «France Dégage» est maintenu en prison pour servir d’alerte précoce aux futurs contestataires et aux adversaires de l’opposition.

La liberté est le ciment de toute démocratie pluraliste. Sans la première, point de pouvoir ou de système de gouvernance démocratique. La liberté et la démocratie  vont de pair depuis la nuit des temps républicains. La République constitue une forme de pouvoir et de gouvernance. Elle a un visage : la liberté, la démocratie et le changement dans le fonctionnement des institutions politiques, sociales et culturelles. Ce n’est point d’ailleurs les régimes des alternances politiques qui ont fait de la liberté, de la démocratie et du changement des principes de gouvernance au Sénégal.

Ces valeurs culturelles représentent des héritages des acquis démocratiques arrachés de hautes luttes par le peuple sénégalais bien avant le changement de régime en 2000. C’est au nom de la liberté de pensée, d’action, d’être différents que les Africains ont protesté contre la domination des maures, des arabes, des occidentaux. La culture négro-africaine s’est constituée dans la résistance contre les valeurs de domination et de négations de la personnalité et de la culture africaine.

La liberté est précisément ce vecteur fondateur de la libération des peuples africains du joug de la domination culturelle. Les Africains n’ont point attendu les étrangers pour entrer dans la démocratie et l’exercice de la liberté de pensée et d’agir. Ce flambeau de la liberté en Afrique a été entretenu au fil de l’évolution de la société sénégalaise post-coloniale. En dépit de l’ancrage de la liberté, de la démocratie et du changement dans le tissu social et culturel sénégalais, ce sont les pouvoirs politiques qui se succèdent depuis l’accession du Sénégal à la souveraineté internationale qui souffrent d’un mal chronique.

Ils n’acceptent pas de se soumettre au respect de la liberté, de la gouvernance démocratique respectueuse des différences. L’actuel pouvoir républicain constitue un exemple frappant de ce refus des pouvoirs à accepter les règles élémentaires du fonctionnement de la République et de l’exercice du pouvoir étatique. Guy Marius Sagna est en prison pour avoir simplement manifesté pacifiquement contre l’augmentation du prix de l’électricité. Il est inacceptable qu’un citoyen sénégalais soit mis en prison pendant des mois pour avoir marché pacifiquement devant le Palais présidentiel. La libération de certains des compagnons marcheurs à l’époque à côté du leader de Frapp «France Dégage» rend encore son maintien plus inacceptable.

L’évocation d’une justice instrumentée par ceux qui réclament sa libération sans condition se conjugue ainsi à un retour à la gestion anti-démocratique des pouvoirs socialistes et libéraux. Le président de la République en exercice a souffert sous le règne des libéraux pour avoir pris ses responsabilités politiques en quittant le Parti démocratique sénégalais et sa majorité. Il a frôlé injustement l’emprisonnement. Son prédécesseur, Me Abdoulaye Wade a vécu des souffrances politiques, sociales et humaines sous le règne des socialistes.

L’ancien Président de la République, Abdoulaye Wade a été mis en prison plusieurs fois. Il a été humilié vilipendé et banni du fonctionnement de la République. Le retour à ce sombre passé de la démocratie bafouée sous la seconde alternance suscite de sérieuses inquiétudes au regard de la mise en danger de la liberté et des expressions démocratiques. L’absence de séparation effective des pouvoirs exécutif, législatif et judiciaire fait planer sur le Sénégal des dérives insoupçonnées à court et moyen terme.

Il suffira que le président de la République et son gouvernement décident de mettre des adversaires en prison pour que la justice exécute cette volonté politique. L’emprisonnement de Karim Wade et de Khalifa Ababacar Sall témoignent des capacités politiques de l’usage de la force par le pouvoir républicain. L’emprisonnement arbitraire de Guy Marius Sagna ne serait alors qu’un indice annonciateur de la volonté du pouvoir de mettre hors d’état de nuire tous les adversaires et protestataires de la gouvernance républicaine. La société civile semble peut-être prendre conscience de cette menace se dessinant à l’horizon de la radicalisation future du pouvoir.

L’extrémisme du pouvoir républicain conduira inéluctablement le Sénégal vers moins de liberté d’expression et des emprisonnements sélectionnés à l’avance, à la tête de l’adversaire du moment.

 

 

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