Il est clair que la France voulait une annulation de la dette des pays africains. Pour l’instant, elle a obtenu un moratoire du Club de Paris (les pays prêteurs) et du G20. En mars, les ministres africains des Finances avaient demandé 100 milliards de dollars à la communauté internationale pour lutter contre le covid-19, dont 44 milliards affectés au remboursement de leurs dettes.
Par Gamal Abdel NASSER
Durant cette année 2020, les 76 pays les plus pauvres de la planète, dont quarante pays africains devaient rembourser un total de 32 milliards de dollars. Paris a obtenu le moratoire au niveau des créanciers bilatéraux et privés, c’est-à-dire un total de vingt milliards de dollars. La Chine, qui est l’un des plus gros créanciers de l’Afrique, a accepté ce principe. Il reste les 12 milliards de créances dues par ces pays à la Banque mondiale.
En France, un accord est en bonne voie, il sera peut-être même annoncé dès cette semaine lors des réunions de printemps à Washington du Fmi et de la Banque mondiale. Cette dernière s’était déclarée en faveur d’un moratoire sur la dette des pays africains.
Depuis deux semaines, les ministres des Finances africains souhaitaient un moratoire portant sur 44 milliards de dollars. L’accord obtenu par la France est donc en deçà de leurs attentes, mais «c’est un premier pas», comme le soulignait ce matin Bruno Le Maire. Le ministre français de l’Économie n’exclut pas que des annulations «au cas par cas et dans un cadre multilatéral» puissent avoir lieu.
L’interrogation de l’annulation pure et simple de la dette des pays africains est importante. Beaucoup de pays dépensent davantage en remboursement de dette que pour leur système de santé, soulignait récemment un rapport de l’Union africaine.
De plus, une vingtaine de pays africains sont trop endettés et sept d’entre eux sont considérés comme surendettés, dont la République du Congo, par exemple. Mais certains créanciers publics et privés ne sont pas encore favorables à une annulation.
Comment la Chine est resté le plus gros créancier
Il serait par exemple intéressant de connaître l’avis de la Chine qui est l’un des plus gros créanciers de l’Afrique, avec un stock de dettes estimé à 145 milliards de dollars, si l’on compte la dette de ses entreprises. Par ailleurs, une partie de cette dette africaine est privée ; elle est due à des entreprises, à des négociants de matière première, des banques et fonds d’investissements. Il s’agit aussi parfois d’emprunts directs des États africains sur les marchés financiers, les fameux Eurobonds. Et pour cette dette, «il faut encore trouver des mécanismes», affirmait récemment Albert Zeufack, l’économiste en chef pour l’Afrique de la Banque mondiale.
De son côté, le Fonds monétaire international n’a pas attendu le moratoire des créanciers publics pour agir. Dès mardi soir, la directrice générale du Fmi, Kristalina Georgieva, annonçait que le Fonds allait payer lui-même le service de la dette de 25 pays à faibles revenus dont dix-neuf pays africains pour une période de six mois. Ce qui revient à annuler une partie de la dette de ces pays envers le Fmi. L’institution de Brettons Wood joue aussi les pompiers depuis plusieurs semaines. Elle a déclaré qu’elle était prête à débourser en urgence des crédits pour les pays africains qui ont besoin d’argent afin de faire face aux conséquences économiques de la pandémie. La semaine dernière, une vingtaine de pays africains avaient fait une demande. Ils sont sans doute plus aujourd’hui.
Beaucoup ont reçu des fonds. Par exemple, la Tunisie a obtenu 745 millions de dollars le 10 avril, le Sénégal 440 millions de dollars le 13 avril et le Ghana vient de recevoir, ce mardi 14 avril, un milliard de dollars. Cet argent est versé via deux mécanismes : la facilité de crédit rapide (Fcr) et l’Instrument financier d’urgence (Ifr). Ce sont essentiellement des prêts à taux zéro avec un délai de remboursement très avantageux.
Mais il convient de préciser que ce ne sont pas des dons. C’est de l’argent qui au final viendra s’ajouter au stock de dette des États.