Par El Hassane SALL
Écartelés entre la pandémie du coronavirus qui ne cesse au fil des jours de hanter leur sommeil et la mal gouvernance endémique qui sévit dans le pays, les Sénégalais sont vraiment mal barrés. Pourtant, avec l’invasion de cet hôte indésirable, tout le monde croyait enfin que le pouvoir allait faire son mea culpa et profiter de cette crise sanitaire pour se réajuster. Espoir d’autant plus fondé que les populations avaient, à l’unanimité, décidé de faire bloc autour du chef de l’État en taisant leurs différends et en lui allouant tous les pouvoirs, à charge pour lui de rassurer son peuple et de mériter sa confiance.
Mais aujourd’hui, le triste constat est que nos dirigeants semblent être mus par des considérations autres que celles de soulager les populations en les aidant à se tirer de cette mauvaise passe. Sinon, comment comprendre le fait, qu’au moment où les populations sont tétanisées par la peur et hantées par l’incertitude du lendemain, le pouvoir semble cautionner des magouilles concernant la gestion des fonds avec le scandale concernant l’achat de vivres destinées aux couches vulnérables ?
Pire, au moment où la pandémie de la Covid-19 est en progression constante, atteignant la barre des 3000 cas avec 36 décès, avec des conséquences économiques désastreuses, nos dirigeants ne trouvent d’autres alternatives que celles d’émettre des sujets visant à amuser la galerie en tapant sur l’opposition, un moyen bien connu pour détourner les Sénégalais de leurs vrais problèmes. Au lieu de s’atteler à résoudre les préoccupations de leurs populations fatiguées et affamées, qui leur ont permis d’occuper ces stations de privilèges, ils semblent au contraire vouloir les enfoncer davantage dans la misère en se partageant ses maigres ressources.
Aujourd’hui, le débat se situe autour des marchés d’attribution des denrées, des perdiem de 4 millions à allouer aux membres du comité de suivi ou encore l’ affaire du décret portant honorariat en faveur des anciens présidents du Conseil économique, social et environnemental (Cese). Autant d’affaires scandaleuses dont les populations pourraient se passer aisément, car “l’heure est grave”, pour parler comme le chef de l’État.
Seulement, la question qui s’impose est de savoir, si lui-même se rend compte de la gravité de l’heure, parce que dans ce cas, il aurait pu épargner les populations de cette situation en sévissant de façon énergique. Des populations qui voient toutes leurs affaires péricliter du fait de l’état d’urgence et de l’interdiction des transports interurbains qui plombent leurs business. Et ce qui frustre le plus dans cette situation, c’est comme si le pays n’avait pas de parlement encore moins de justice. Parce que dans ces cas d’espèce, ce sont ces institutions qui devaient monter au créneau pour faire la lumière sur ces affaires nébuleuses, afin que les populations sachent à quoi s’en tenir, au lieu de les laisser assister à des concerts d’accusations et contre-accusations entre pouvoir et opposition, sur fond d’invectives.
Une situation indigne d’un pays qui se dit de droit, encore moins d’une gouvernance censée être sobre et vertueuse. Pire, des dirigeants qui étaient censés être des modèles de probité morale sont pris en flagrant délit de mensonge, alors que la parole de l’autorité devrait être … d’autorité. Pour ce pouvoir, c’est comme si les mots vertus, sobriété, transparence, vérité n’étaient que de vains mots alors que ces qualités devraient les habiter pour montrer un tant soit peu de gratitude à ce vaillant peuple qui leur a tout donné et à qui ils doivent rendre la monnaie de sa pièce.
Mais cette culture de l’impunité à laquelle on assiste de la part de ces autorités est à bannir, car ils mettent en péril les fondements de la République et fragilise notre commun vouloir de vie commune. En tout cas, il est temps que ces dirigeants qui semblent grisés par les effluves enivrants du pouvoir retrouvent leur lucidité, car ils devront céder la place et rendre compte à leurs mandants.