Des violences ont émaillé, mardi, la contestation pacifique de la jeunesse nigériane contre le pouvoir, entraînant l’instauration d’un couvre-feu de 24 heures à Lagos.
La répression des manifestants par les forces de l’ordre a ensuite fait plusieurs morts et blessés à balles réelles, selon Amnesty International.
La répression des forces de l’ordre sur plus de 1 000 manifestants rassemblés, mardi 20 octobre, à Lagos, la capitale économique du Nigeria, a fait plusieurs morts, selon Amnesty International, et de nombreux blessés par balles, selon les témoignages recueillis sur place par l’AFP. “Plusieurs manifestants ont été tués, on cherche à savoir exactement combien”, a déclaré à l’AFP Isa Sanusi, porte-parole de l’ONG.
De nombreux blessés étaient acheminés dans plusieurs hôpitaux privés de la ville qui avaient ouvert leurs portes aux manifestants. “J’ai deux personnes avec moi dans ma voiture, une femme et un homme, dans un état critique”, a déclaré à l’AFP Innocent A., l’un des participants à la manifestation. “J’ai déjà déposé deux personnes à l’hôpital Lagoon (à Ikoyi), l’un était blessé par balles dans le dos, et l’autre à l’estomac”, a-t-il expliqué. “Ce sont les quatre personnes dont j’ai pu m’occuper, le reste je ne sais pas.”
Ces “nombreux” tirs sur les manifestants font suite à l’entrée en vigueur d’un couvre-feu total à Lagos pour tenter d’éteindre un mouvement populaire qui ne cesse de s’étendre à travers le pays.
“Assis pacifiquement”
“Tous les manifestants étaient assis pacifiquement, et à la nuit tombée, les lumières de l’éclairage public et des panneaux publicitaires se sont éteints d’un coup”, raconte Toye, une manifestante de 32 ans. “Tout le monde a crié et des hommes sont arrivés et ont commencé à tirer et tout le monde a couru pour sauver sa vie”, rapporte-t-elle à l’AFP.
De nombreuses personnes apparaissaient blessées sur des vidéos diffusées sur les réseaux sociaux par des manifestants qui enregistraient plus de 100 000 “vues” en direct. Un homme perdait son sang alors que beaucoup d’autres manifestants ne semblaient pas vouloir quitter les lieux quadrillés par des patrouilles de police et des forces de sécurité, selon ces images et des témoignages recueillis sur place.
À 16 heures, lorsque le couvre-feu est officiellement entré en vigueur à Lagos, un millier de manifestants se sont assis sur le péage de Lekki qu’ils occupent depuis plus d’une semaine, brandissant des drapeaux pour signifier leur “non-violence”.
Contestations contre le pouvoir
Les manifestations de la jeunesse contre les violences policières se sont étendues à des contestations contre le pouvoir et depuis 12 jours, des milliers de jeunes nigérians battent le pavé dans les grandes villes du pays le plus peuplé d’Afrique et première puissance économique du continent. Au moins 18 personnes, dont deux policiers, sont mortes dans ces marches, qui avaient été jusque récemment globalement pacifiques.
L’inspecteur général de la police a ordonné, mardi après-midi, le déploiement immédiat d’une unité de police anti-émeutes dans tout le pays “afin de protéger les Nigérians et leurs biens, et pour sécuriser les infrastructures nationales indispensables”.
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Plus tôt dans la matinée, des jeunes très énervés avaient pris le contrôle de presque tous les axes routiers de la capitale économique. Dans l’ouest de la ville, un poste de police a été incendié, des coups de feu ont été tirés et plusieurs personnes blessées par balles, ont indiqué des témoins à l’AFP.
“Les manifestations pacifiques ont dégénéré en un monstre”, a déclaré sur Twitter le gouverneur de l’État, Babajide Sanwo-Olu, avant l’annonce du couvre-feu total. “Des criminels et des scélérats se cachent désormais sous l’égide de cette manifestation pour faire régner le chaos”, a-t-il dénoncé.
De graves échauffourées ont également éclaté dans la capitale Abuja, où des dizaines de véhicules et de bâtiments ont été incendiés, et où la police a été déployée, selon un journaliste de l’AFP. Dans le nord du pays, à Kano, des troubles ont également éclaté mardi. Des centaines de jeunes ont pris d’assaut les rues, et certains ont brûlé des voitures et des commerces, selon un journaliste de l’AFP.
Cette mobilisation inédite au Nigeria – qui est née début octobre sur les réseaux sociaux pour dénoncer les violences policières – s’est peu à peu muée en un mouvement contre le pouvoir en place et la mauvaise gouvernance.
Avec AFP