Aminata Touré au pied du mur

Quand lui colle l’étiquette de « dame de fer », Aminata Touré rétorque que c’est un stéréotype du patriarcat car, on n’a jamais entendu parler d’homme «de fer ».Pourtant, son marqueur politique est cette « virilité » dans la défense de ses idées. Et de l’ambition. Trop d’ambitions, selon le premier cercle de Macky Sall. Ce qui lui a valu son limogeage de la présidence du Conseil Economique Social et Environnemental (CESE), le 1er novembre dernier.

Aminata Touré aurait pu faire le dos rond, en attendant d’élaborer une feuille de route en vue de la présidentielle de 2024, mais certaines officines médiatiques ont eu la délicatesse de l’accuser de « mauvaise gestion ». Ce qui a fait sortir de ses gonds l’ancienne troisième personnalité de l’Etat. Le 03 novembre, visiblement atteinte par les allusions à son encontre, elle sort ses griffes et dit vouloir « informer l’opinion nationale et internationale » qu’elle a eu à diriger le Conseil Économique, Social et Environnemental pendant 16 mois « en stricte conformité avec les règles et standards de bonne gestion».

Amère et décidée à en découdre, elle précise que nul ne saurait, à cette étape de sa vie administrative et politique, ternir sa réputation et son intégrité, promettant d’ester en justice si ces accusations persistaient. C’est dans la douleur donc que Macky Sall et son directrice de campagne en 2012 se séparent. Les relations entre eux ont toujours connu des hauts et des bas. Parfois, c’est le grand amour. Et parfois, il y a de l’eau dans le gaz. Cette fois-ci, c’est le clash. Il y a eu des précédents.

En 2013, alors qu’elle était ministre de la Justice et que la traque des biens mal acquis battait son plein, Macky Sall avait voulu en faire sa directrice de Cabinet, ce qu’elle avait refusé, arguant que c’est un poste sans responsabilités. Finalement, elle est nommée Premier ministre en septembre de la même année ; elle devient la deuxième femme. Premier ministre du Sénégal après Mame Madior Boye (2001-2002). Mais « Mimi » est incontrôlable et peut ne pas informer le président de la République de certaines initiatives comme la convocation, sans crier gare, d’une réunion des cadres de l’APR ou l’organisation d’une tournée en Casamance.

Patient comme un sioux, Macky Sall l’attendait au tournant. En juillet 2014, moins d’un an après sa nomination, elle est battue aux municipales à Grand Yoff face à Khalifa Sall. Elle doit alors quitter la Primature pour devenir « envoyée spéciale » du président de la République, une fonction inédite dans l’architecture institutionnelle. C’est la règle chez le président de la République : qui perd aux élections perd sa « station » … C’est connu, celle que ses proches appellent « Mimi » est une forte personnalité. Demandez à l’ancien Président français, Nicolas Sarkozy, qui s’indignait du fort taux de natalité en Afrique, lors de l’université d’été du patronat marocain tenu à Casablanca (Maroc) ! Réponse sèche de l’ancienne onusienne : « Je ne pense pas qu’il y ait de relation scientifique établie entre la fertilité des femmes africaines et l’effet de serre mondial ». Une forte tête donc.

Pourtant, elle n’a jamais formellement révélé son intention de briguer la magistrature suprême mais tout le Sénégal lui en prête l’intention. A l’hebdo « Jeune Afrique », elle disait en octobre 2019 que « parler de succession est prématuré » ajoutant que le « travail de Macky Sall ne doit pas être pollué par la frénésie des ambitions précoces. Même si elle admettait qu’il n’y a pas de politicien sans ambition, « il ne faut pas que celle-ci soit obsessive, il faut qu’elle soit réaliste et qu’elle se pose au moment opportun », disait-elle. Et ce moment, selon elle, ce sera pour 2024. Elle tombe le masque en janvier 2020 lors d’un passage au «Grand Jury » de la RFM.

« Les gens ne font pas de la politique pour regarder passer les trains », lâche-t-elle tout de go. Elle fait toutefois dans la nuance : « La question occupe trop de place dans l’espace public Sénégalais, alors que le chef de l’Etat a déjà réglé le problème. Il faut que nous puissions travailler. Il y a des questions qui nous attendent que de s’attarder sur la politique ». Mais le mal est déjà fait. Faute politique ? RADICALISATION ? Aminata Touré, à la riche carrière professionnelle, doublée d’un engagement dans les mouvements de Gauche, dès sa prime jeunesse, n’a pas toujours une bonne fortune, depuis son adhésion à l’APR. Elle a d’abord cherché à militer à Grand-Yoff, le fief de Khalifa Sall, mais où s’agite aussi un frère de laPremière dame. Cernée de toutes parts dans cette zone, elle migre vers Kaolack où elle tient de solides attaches familiales. Là aussi, rien ne lui sera offert.

Le ministre Mariama Sarr et l’actuel directeur du Pôle urbain de Diamniadio et du Lac rose, l’ancien ministre Diène Farba Sarr y animent des tendances de l’APR. Jamais, elle ne parviendra à s’imposer comme patronne incontestée de l’APR dans la capitale du bassin arachidier. Mais elle reprend du poil de la bête à la faveur de la campagne électorale pour la présidentielle de 2020. Ses qualités de stratège ne sont pas de trop pour Macky Sall qui remporte le scrutin au premier tour. C’est le retour en grâce pour « Mimi » qui est nommée présidente du Conseil Economique Social et Environnemental(CESE) où on lui reproche rapidement des recrutements intempestifs. La suite est connue.

Aujourd’hui, Aminata Touré est « libre ». Mais rien ne présage qu’elle va s’opposer frontalement à son (toujours) parti, l’APR. Mais les conditions de son limogeage sont de nature à la mettre en marche, avec, la perspective pour elle de la radicalisation si elle entend dérouler son « programme » vers le Palais

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