Covid-19 : l’Afrique frappée par une deuxième vague plus meurtrière

Les voyants sont au rouge. L’Afrique, épargnée par la première vague du coronavirus, est confrontée à une deuxième vague bien plus forte et meurtrière. Le taux de mortalité, 2,5 % pour le continent, dépasse désormais la moyenne mondiale, 2,2 %, selon le centre de contrôle et de prévention des maladies Africa CDC. Le nombre de cas sur le continent a augmenté de 14 % par semaine en décembre.

L’Afrique du Sud est submergée par la propagation rapide du variant du virus. Ses voisins sont également touchés. Le Maghreb doit aussi faire face à une montée des cas. En Afrique de l’Ouest, au Nigeria, au Mali, en Mauritanie, au Burkina Faso, au Sénégal, le nombre de cas a progressé rapidement depuis décembre. « Nous sommes en train d’assister à un retournement, juge John Nkengasong, le directeur d’Africa CDC, en conférence de presse le 21 janvier. « L’augmentation du taux de mortalité marque une rupture avec la première vague, lors de laquelle l’Afrique était restée en dessous de la moyenne mondiale », insiste-t-il. Il se montre extrêmement préoccupé, notamment par la circulation du variant sud-africain, et admet aussi, lors d’une interview sur France 24, que le nombre de cas reportés sur le continent est évidemment sous-estimé.
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Sur le continent, 21 pays enregistrent des taux de mortalité supérieurs à la moyenne mondiale de 2,2 %. Au Soudan, le virus tue 6,2 % des personnes infectées, et 5,5 % en Égypte. En Afrique de l’Ouest, le Liberia enregistre un taux de létalité de 4,4 %, le Mali de 4,1 %, le Tchad de 3,6 % et le Niger 3,5 %* (voir liste). Le taux le plus élevé de létalité, 11,8 %, est enregistré dans la République arabe sahraouie démocratique, un État membre de l’Union africaine.

Cette surmortalité est provoquée par l’accélération du nombre de patients qui engorgent les systèmes de santé sur le continent, explique Africa CDC. L’Afrique reste, selon les chiffres, l’un des continents les moins touchés, avec 3,5 millions de cas de Covid-19, soit 3,5 % des cas dans le monde et presque 87 900 morts, selon l’organisme au 27 janvier.

Variant sud-africain

Identifiée en octobre par des chercheurs sud-africains, la souche 501Y.V2 du Covid-19 se répand sur le continent et dans le monde. Sa propension à se propager plus rapidement inquiète et alerte les autorités sanitaires dans le monde entier. Depuis, d’autres variants, anglais, brésilien, apportent leurs lots d’inquiétudes.

En Afrique du Sud, la situation s’est considérablement dégradée depuis la découverte de ce nouveau variant plus contagieux du virus, qui représente aujourd’hui plus de deux tiers des cas dans le pays. S’il n’est pas plus mortel, sa plus forte contagiosité contribue à surcharger les hôpitaux. Fin janvier, le pays déplore plus de 40 000 décès, presque la moitié des cas de décès liés au Covid-19 déclarés sur le continent.

Ce variant a aussi été identifié dans six autres pays africains : le Botswana, les Comores, la Gambie, le Ghana, le Kenya et la Zambie. Il est probablement présent dans nombre de pays africains, mais peu détecté compte tenu des faibles capacités des pays à séquencer les génomes du virus. En France, deux foyers de personnes infectées par ce variant sud-africain, après un voyage religieux au Mozambique en décembre dernier, ont été identifiés. Une vingtaine de pays dans le monde, en Asie, en Europe, en Amérique du Nord et en Australie, l’ont déjà signalé. Des mesures sont prises pour éviter sa diffusion dans les territoires ultramarins, à Mayotte et à La Réunion, et en Guyane pour le variant brésilien, où les contrôles aux frontières ont été renforcés.

Au cours de la troisième semaine de janvier, 173 556 nouveaux cas de Covid-19 ont été signalés en Afrique, soit une diminution de 17 % du nombre de nouveaux cas signalés par rapport à la semaine précédente. Cette baisse est largement due à celle récente du nombre de nouveaux cas signalés en Afrique du Sud. « Certains États membres ont renforcé les restrictions des mesures sociales, ce qui a influencé la diminution des cas signalés », note aussi la CDC Africa.

Prise en charge des malades

Désormais, dans nombre de pays, la dynamique de l’épidémie « dépasse la capacité des infirmières et des médecins à prendre en charge les patients », a expliqué John Nkengasong. Les fournitures en matériel, notamment les besoins en oxygène utilisé pour soigner les formes graves de Covid-19, deviennent « critiques ».

Les hôpitaux débordés, on se tourne vers le vaccin. Une poignée de pays lancent leur campagne de vaccination, sur la base de contrats bilatéraux (Maroc, Seychelles, Égypte ou encore Guinée). Dans les prochaines semaines, 1,5 million de vaccins sont attendus en Afrique du Sud. Cette commande entre dans le cadre de négociations menées entre le gouvernement et l’alliance AstraZeneca-Oxford. Ombre au tableau, l’Afrique du Sud va payer 2,5 fois plus cher ses doses que l’Union européenne. Profitant du sommet virtuel de Davos, le président sud-africain a partagé sa colère : « Les pays riches du monde accaparent ces vaccins. Nous les appelons à mettre à disposition les doses excédentaires commandées et thésaurisées », a-t-il déclaré via un message vidéo. L’Union européenne se retranche derrière le fait qu’elle a de son côté participé au financement de la recherche de ce vaccin.

De son côté, l’Union africaine a commandé 270 millions de vaccins pour le continent, en plus de ceux prévus via le dispositif Covax, une initiative de l’Organisation mondiale de la santé (OMS) et de partenaires privés pour un accès équitable aux vaccins. Ce dispositif de l’OMS doit permettre de vacciner 10 % de la population du continent africain.

Les vaccins manquent toujours à l’appel

« Ce ne sont pas les vaccins tout seuls qui vont nous aider à mettre fin à cette pandémie, c’est la vaccination », a souligné le directeur général de l’OMS, Tedros Adhanom Ghebreyesus. « La distribution rapide et équitable des vaccins n’est pas seulement un impératif moral, c’est aussi un impératif de sécurité sanitaire, stratégique et économique », a-t-il souligné.

* Liste des 21 pays signalant des taux de létalité supérieurs au taux mondial de 2,2 %. Il s’agit de la République arabe sahraouie démocratique (15,4 %), du Soudan (6,2 %), de l’Égypte (5,5 %), du Liberia (4,4 %), du Mali (4,1 %), du Tchad (3,6 %), du Niger (3,5 %), d’Eswatini (3,4 %), du Zimbabwe (3,4 %), de la Gambie (3,2 %), de la Tunisie (3,2 %), Comores (3,2 %), République démocratique du Congo (3 %), Afrique du Sud (2,9 %), Somalie (2,7 %), Algérie (2,7 %), Malawi (2,6 %), Mauritanie (2,5 %), Angola (2,4 %), Sierra Leone (2,4 %) et Sénégal (2,3 %).

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