Litige foncier : De l’affaire Sedima-Ndingler à l’affaire Djilakh-Ndingler

Le différend entre la Sedima et les populations de Ndingler a pris une nouvelle tournure. Les jeunes de Djilakh, commune où est plantée la ferme du groupe Sedima, sont entrés dans la danse pour mettre en garde le village voisin.
 
Depuis lundi 3 mai, l’affaire Sedima-Ndingler est devenue aussi l’affaire Ndingler-Djilakh. Ce jour-là des affrontements sanglants ont opposé des agents de sécurité du groupe avicole et des jeunes de Ndingler. Il y a eu trois blessés dans les deux camps dont un (villageois) dans un état grave. N’eut été l’intervention in extremis de la gendarmerie, le bilan serait sans doute plus lourd. Dès le lendemain de ces heurts, mardi 4, les jeunes de Djilakh sont montés au créneau. Au cours d’une conférence de presse, ils ont mis en garde leurs voisons de Ndingler qu’ils accusent de réclamer indûment des terres situées sur leur territoire. Leur porte-parole, Ablaye Faye, déclare que si ces derniers remettent les pieds sur leur sol, ils les chasseront.
 
Face au risque d’affrontements entre communautés voisines, distantes de seulement sept kilomètres, le préfet de Mbour, Mor Talla Tine, a ordonné par arrêté la suspension des travaux sur le site litigieux, qui couvre une superficie de 76 hectares. Cette mesure s’applique à toutes les parties : ni la Sedima, qui y a effectué des aménagements, ni les populations de Ndingler, qui y revendiquent des champs, n’ont le droit, jusqu’à nouvel ordre, d’y mener des activités. “Tout manquement à cette disposition est passible des sanctions prévues par les lois et règlements”, prévient le préfet.
 
Les protagonistes sont donc renvoyés dos-à-dos par l’autorité administrative. En attendant une solution définitive.
 
La Sedima qui a acquis les terres en question en suivant les procédures légales et consenti d’importants investissements sur le site, se voit obligé de freiner ses activités. Une concession de plus après qu’elle a accepté, pendant quatre ans, que les populations locales exploitent sans son autorisation la surface, et adhéré à l’arbitrage du Président Macky Sall qui, au mois de juillet de l’année dernière, mettait le périmètre à la disposition des populations de Ndingler pour la période de l’hivernage.
 
“Participer à asseoir les véritables changements au niveau de l’agriculture”
Pour bien comprendre le différend, il faut remonter à 2012. La Sedima décide d’investir dans l’agriculture. Son objectif affirmé : “Participer à asseoir les véritables changements structurels au niveau de l’agriculture et promouvoir, aux côtés des populations, l’émergence de grandes exploitations, susceptibles de constituer un socle solide au développement de l’entrepreneuriat agricole.”
 
Au bout de ses prospections dans la commune de Sindia, le groupe acquiert des parcelles dans le village de Djilakh. L’entreprise dédommage les ayants droit et reçoit une délibération sur chaque terrain avant d’obtenir la délibération globale numéro 05/CRS du Conseil rural de Sindia datée du 4 décembre 2012.
 
En 2013, la Sedima entreprend l’aménagement et la viabilisation du terrain. Elle déclare avoir réalisé “de lourds et coûteux travaux”. S’ensuivent la délimitation de la parcelle et l’aménagement à l’intérieur d’espaces d’accueil et de stockage. Quelques villageois de Ndingler occuperont, “sans autorisation” du propriétaire légal, une partie de l’aile Nord-Est du périmètre pour y cultiver. La Sedima laisse faire, “vu qu’elle (la parcelle occupée sans son autorisation) n’impactait pas encore les activités du groupe”, a justifié l’entreprise dans un communiqué.
 
La Sedima formule une demande de bail “auprès des autorités compétentes et tous les frais relatifs aux droits d’enregistrement et de timbre, des frais de formalités foncières ainsi que les redevances annuelles ont été payés”. Le bail obtenu, le groupe entame la procédure de sa conversion en titre foncier. Huit années et des tas de formalités administratives (“y comprises les enquêtes de commodo et incommodo”) plus tard, il obtient le sésame numéroté 2247/MB pour “224 hectares identifiés disponibles”.
 
Au mois de juillet 2020, l’affaire avait occupé l’actualité pendant plusieurs semaines. Il a fallu l’intervention du Président Macky Sall pour qu’une solution soit trouvée. Mais celle-ci n’était que provisoire. Le chef de l’Etat avait demandé à la Sedima de prêter la surface litigieuse pour permettre aux villageois de Ndingler d’y cultiver durant l’hivernage.
 
Toutefois, “la Sedima rappelle que l’assiette foncière qu’elle a acquise se trouve entièrement dans la commune de Sindia, à plus de sept kilomètres du village de Ndingler ; par conséquent (elle) ne pourra en aucun cas céder des terrains appartenant et alloués par le village de Djilakh à un autre village”.
 
Cette position de fermeté est aujourd’hui appuyée par les habitants de Djilakh, qui se sont rangés du côté de la Sedima face aux populations de Ndingler. “Nous sommes déterminés à leur barrer la route, menace Ablaye Faye. Ndingler n’a rien ici. Dans cette ferme agricole travaillent plusieurs jeunes venant de différentes régions. (…) L’Etat devra arbitrer.”

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