Plusieurs familles d’origines diverses ont élu domicile devant le bureau du Haut-Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés (HCR) sis à Mermoz. Vivant dans l’irrégularité depuis plusieurs années, ils ont décidé de rompre le silence, en interpellant la structure onusienne censée les prendre en charge et l’Etat du Sénégal.
Loua Diomandé a été contraint de quitter la Côte d’Ivoire, pour des raisons de sécurité. Son père, fervent «supporter» de l’ancien président Henri Konan Bédié, fut assassiné par la rébellion. Arrêté avec sa femme par ses bourreaux, il a passé neuf mois dans leur base. Ils doivent leur salut à une intervention des forces loyalistes, qui les a libérés de ce camp.
Craignant pour leur vie, Diomandé et sa famille ont d’abord pris la direction du Mali, mais n’y sont pas restés longtemps.
Puis, en 2005, la petite famille pose ses valises en Gambie et obtient l’asile et le statut de réfugié auprès du Haut-Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés (Hcr). Dans une lettre adressée au président d’alors, Yahya Jammeh, les réfugiés déploraient leurs conditions de vie dans le pays. Une initiative qui n’a pas été du goût de l’ancien régime, puisqu’ils ont été arrêtés, torturés et expulsés de la Gambie. Loua et sa femme ont rejoint le Sénégal en 2012.
Mais depuis leur arrivée, les Diomandé n’ont pas pu bénéficier de l’asile et du statut de réfugié. Après 10 ans d’attente insoutenable, la famille (qui s’est agrandie avec l’arrivée de deux filles de 14 et 12 ans) accompagnée d’autres personnes (une dizaine) dans leur situation, ont décidé de s’installer sur le trottoir du deuxième bureau du Hcr à Mermoz depuis le 10 août 2021.
«On a sollicité la presse aujourd’hui pour alerter la communauté nationale et internationale sur notre souffrance. Nous n’avons pas de papiers pour travailler. Une situation qui empêche nos enfants d’avoir accès aux salles de classe. On souhaite être régularisé», fait savoir Loua Diomandé.
Le lieu ressemble à un véritable camp de réfugiés. A côté du local du vigile de la structure onusienne, on peut voir un abri de fortune fait de sacs en plastique et de cartons. Les résidents de cet abri sont les mieux lotis des réfugiés du coin. Les autres ont pour seul confort des planches de carton disposées au sol. Les fortes pluies de l’hivernage les ont trouvés sur les lieux. Ils s’abritaient sous l’entrée d’un parking.
La générosité et l’empathie de leur voisinage ont pu leur permettre de joindre les deux bouts. C’est dans les toilettes d’un immeuble en construction qu’ils font leurs différents besoins. Pour la restauration, ce sont des personnes de bonnes volontés qui les approvisionne.
«Ces aides viennent occasionnellement. On sait que ça ne pourra pas durer éternellement et nous n’allons pas toujours tendre la main», déclare Lucas Tokpa, originaire de la Côte d’Ivoire.
«On demande au gouvernement sénégalais de venir à notre rescousse et d’ouvrir une enquête sur le bureau du Hcr»
Persécuté dans son pays, il le quitte en 2011 et élit asile au Liberia. La pandémie d’Ebola faisant rage dans l’Etat, il décide de rejoindre le Sénégal en 2016. Sur place, le Hcr lui demande de recommencer les démarches pour l’obtention de l’asile. Mais la procédure prend du temps.
«Ce que je déplore aux autorités sénégalaises, c’est l’attente pour le traitement des dossiers. Ce n’est que quatre ans après ma demande que j’ai eu la réponse des autorités me notifiant du refus de ma demande d’asile. Motifs évoqués : j’ai déjà fait une demande au Liberia et on ne peut pas en faire une deuxième, et ma carte Hcr avait expiré», confie-t-il.
Ces réfugiés affirment être confrontés à plusieurs maux ayant pour dénominateur commun leur situation d’irrégularité. Ainsi, ils ne peuvent pas scolariser leurs enfants, ni avoir un emploi décent et ils sont régulièrement victimes d’arrestations de la part des forces de l’ordre.
«Je suis, à chaque fois, humilié par les policiers, lors des contrôles d’identité, vu que je ne dispose pas de papiers», dit Lucas. Pour l’instruction de leurs enfants, ils bénéficient aussi de l’aide de bonnes volontés qui viennent bénévolement dispenser des cours sur un tableau à ciel ouvert.
Face au mutisme du Hcr, ces réfugiés espèrent un coup de pouce des autorités étatiques. «On demande au gouvernement sénégalais de venir à notre rescousse et d’ouvrir une enquête sur le bureau du Hcr», lance Ibrahima Koné, réfugié libérien.