Si le juge de la chambre criminelle de Dakar en rendant son verdict, suit le réquisitoire du parquet, Aïda Mbacké restera en prison jusqu’en 2031. Poursuivie pour assassinat avec préméditation, Aïda Mbacké a été appelée à la barre de la chambre criminelle du tribunal d’instance de Dakar. Les faits pour lesquels elle comparaissait remontent au courant du mois de novembre 2018. L’affaire a été mise en délibéré au 17 novembre prochain.
C’est un crime passionnel, comme l’a si bien dit le représentant du ministère public. Il est indubitable que Aïda Mbacké aimait éperdument son époux Khadim Ndiaye même si cet amour leur a été fatal. Si Khadim Ndiaye a rejoint le ciel à cause des agissements de son épouse Aïda, celle-ci risque d’écrouer en prison pour une durée de 15 ans. En effet, tous ces incidents ont pour point de départ un message que la dame Aïchatou Mbacké dit Aïda a vu sur le téléphone de son époux et dont l’exact contenu était : « je t’aime mon cœur ». Croyant que la dame Molina qui avait envoyé le message à son époux ne pouvait qu’être sa maîtresse, elle alla directement poser des questions à son époux sur la provenance de ce message d’amour. C’est ainsi que celui-ci lui a fait savoir que l’expéditeur était un collègue qui le considérait comme son fils, sans autres précisions. Pas satisfaite de la réponse que lui a servie son chéri, Aïda s’est aventurée dans des recherches pour en avoir le cœur net. C’est ainsi qu’elle a consulté le compte Facebook de la dame qui ne paraissait pas vieille comme le lui a fait croire son mari. Quand elle a interpellé la dame sur sa relation avec son mari, celle-ci ne l’a pas édifié. Pis, elle l’envoie d’aller poser la question à son époux. Déterminé à connaitre cette femme, elle a contacté une collaboratrice de son mari du nom de Khadidiatou qui lui a confirmé que son mari a épousé une Italienne et qu’ils ont eu deux enfants. Des informations que la fille de Serigne Babacar Mbacké Moukabaro peinait à digérer. Pour elle, son époux ne pouvait jamais lui faire une chose pareille après six (6) longues années de vie conjugale. En réalité, le couple était auparavant dans une relation amicale. De ce lien, est née une histoire d’amour qui aboutit au mariage et occasionné la naissance de deux enfants. Voulant coûte que coûte entendre des explications provenant de son époux, Aïda était confrontée à un mutisme et une ignorance totale de la part de celui-ci. Et ce, pendant des jours.
Khadim Ndiaye avait épousé une Italienne en catimini et à l’insu de tous. De cette union, sont nés deux enfants
Bref, le jour des faits, Aïda était sujette de douleurs abdominales. Hospitalisée dans une clinique sise à Liberté VI, elle a vainement cherché à joindre son mari vainement. Mais le médecin a pu le joindre. Khadim est venu la chercher à la clinique. Au moment de rentrer, il était 23h, Khadim était silencieux et continuait à l’ignorer. Une fois à la maison, son mari s’est changé et est allé se coucher. Elle cherchait à lui parler mais elle s’est heurtée, encore une fois, face à un mutisme. Sur ces entrefaites elle a décidé de mettre fin à sa vie et à celle de son époux. Elle a aspergé du liquide inflammable dans la chambre, sur le lit où se trouvait son mari. Quand elle a allumé le feu, la flamme s’est propagée et a retrouvé son mari sur le lit. Aïda a quitté l’appartement et a soutenu que son mari voulait le tuer. Au même moment, Khadim est sorti en scandant que Aïda l’a brûlé. Leur voisine Rose, chez qui Aïda s’est réfugiée après son forfait a tenté de le sauver en lui aspergeant deux sceaux d’eau. Les voisins ont maîtrisé le feu. Au moment où l’appartement prenait flamme, Khadim malgré son corps qui brûlait a sollicité ses voisins pour qu’ils viennent sauver son enfant. Les faits se sont déroulés dans la nuit du 3 au 4 novembre. Le jour suivant, Aïda Mbacké a accouché. Trois jours après, son mari succombe à ses blessures. D’après le médecin légiste, Khadim était mort par brûlure au second degré et 80% de son corps était brûlé y compris sa tête.
Aïda Mbacké, inconsolable, regrette son acte et témoigne un amour sans fin à son défunt époux
Ainsi, pour le crime d’assassinat avec préméditation, Aïchatou Mbacké dite Aïda faisait face, hier, au président Dembélé, juge de la Chambre criminelle de Dakar. Appelée à la barre, Aïda sortit du box des accusés, tout de jaune habillé. Elle marchait avec indolence en réajustant le voile jaune qui lui couvrait la tête. Une fois face au juge, elle contempla celui-ci puis son regard, rempli de misère, s’est perdu quelque part dans la salle d’audience qui était déjà morose. À peine a-t-elle pris la parole pour servir une explication au juge, Aïda a réveillé la compassion de plus d’un. Ce, bien que quelques-uns parmi eux n’arrivent toujours pas à qualifier son acte qu’il juge des plus monstrueux. « Khadim n’était pas uniquement mon mari mais mon frère et mon ami. Il était le disciple de mon père. Je l’ai aimé de toutes mes forces. Je ne lui ai jamais souhaité du mal. C’est juste que je n’ai pas su contrôler ma jalousie. Je l’aimais éperdument et continuerai à l’aimer de toute ma vie. Khadim je l’aimais éperdument », tient-elle à préciser dès le début, tout en écartant la thèse de préméditation. La voix basse, l’accusée a fait savoir au juge qu’elle n’avait aucunement l’intention de mettre un terme à la vie de son bien aimé mais voulait se suicider à cause du comportement frustrant de son mari à son encontre. “ Khadim ne répondait plus à mes appels. Pire, il m’avait filtré. Quand j’étais à l’hôpital, il n’a pas voulu venir me rendre visite. C’est le médecin qui l’a contraint de venir me chercher. Sur le chemin, il ne m’a pas adressé la parole. C’est ainsi que je lui ai fait savoir que je vais me suicider. Je me suis aspergée d’un liquide inflammable. C’est lui qui m’a sauvé et extraite de la pièce qui avait pris feu. Quand je suis sortie, j’ai dit à notre voisine, Rose, de lui venir en aide », narre-t-elle.
Aïda Mbacké au juge : «meunouma Bokk Khadim » (je ne peux pas partager Khadim)
«Si tu voulais te suicider, tu n’allais pas arroser le lit et ton mari de ce liquide. En plus, tu avais clairement dit devant le juge d’instruction que tu ne peux pas partager Khadim de la vie. Aucune autre femme ne profitera de lui et, d’après ton beau-père, le défunt qui était sorti de la chambre en criant hurlait : « Nii lama Aïda def, Aïda Taal nama » (Voici ce que Aïda m’a fait, elle m’a brûlé), lui rappelle le président Dembélé. Face aux questions du juge qui lui rappelait les évènements, Aïda Mbacké a fini par éclater en sanglots. Elle était inconsolable. C’est ainsi que le juge lui a prié de s’asseoir afin de se remettre. Mais, elle ne se remettra pas jusqu’à la fin de l’audience, car son cœur, à la remorque de son esprit qui glane dans les champs du passé, ne pouvait être apaisé. Chaque phrase qu’elle prononçait, se terminait par des pleurs. « meunouma Bokk Khadim » (je ne peux pas partager Khadim) est la phrase qu’elle répétait entre des sanglots.
Le maître des poursuites qui a requis 15 ans de réclusion criminelle à l’encontre de l’accusée : «Elle est passive à une condamnation à une réclusion criminelle à perpétuité. Mais il faut requalifier les faits, car il n’est pas établi qu’elle avait prémédité son acte »
Venue apporter ses témoignages car ayant été présente aux lieux des faits, Rose Marie Diémé, la voisine du couple, raconte que c’est Aïda elle-même qui est accouru vers elle. «Cette nuit-là, j’apercevais la chambre de Aïda s’enflammer. J’étais dans ma chambre, je venais d’accoucher. Néanmoins, je suis sortie pour m’enquérir de la situation et j’ai rencontré Aïda qui venait vers moi. Naturellement, je lui ai demandé ce qui se passait et elle me rétorque : ‘’c’est Khadim qui veut me tuer’’ ».
Dans ses réquisitoires, le représentant du parquet a demandé au juge de condamner Aïda Mbacké à une peine de 15 ans de réclusion criminelle. Car, pour lui, Aïda avait l’intention d’abréger la vie de son mari. «En aspergeant de l’essence sur le lit, elle savait que son mari ne pouvait pas s’en sortir. Elle avait l’intention de tuer son mari. C’est un crime passionnel. L’accusée était folle de son mari. Aïda étant amoureuse de son mari, ne pouvait pas concevoir de le partager. C’est une dame meurtrie dans sa chair, elle vous a dit qu’elle est bannie par sa famille. Elle est passive à une condamnation à une réclusion criminelle à perpétuité. Mais il faut requalifier les faits, car il n’est pas établi qu’elle avait prémédité son acte », a soutenu le parquetier.
La défense : Il est nécessaire de la mettre en liberté pour qu’elle fasse le deuil de sa mère et de son mari »
Le pôle d’avocat constitué pour la défense de Aïda Mbacké à savoir Mes Boubacar Barro, Ciré Clédore Ly, Ousseynou Gaye etc. ont sollicité la disqualification des faits d’assassinat avec préméditation en meurtre et une application bienveillante de la loi pénale. « Son beau-père et sa belle-mère lui ont pardonné, mais elle est vide. Elle est veuve. Elle a porté son veuvage en prison. Elle n’a pas allaité son bébé. Il est nécessaire de la mettre en liberté pour qu’elle fasse le deuil de sa mère et de son mari», a plaidé l’un d’eux. En attendant de rendre son intime conviction le 17 novembre prochain, le juge a renvoyé Aïda Mbacké au fond de sa cellule.