Son nom de code est PF-07321332, qu’on désigne pour l’instant sous l’abréviation « 332 ». Il serait plus performant encore que l’antiviral de Merck.
Le 9 septembre (Paris Match n° 3775), nous décrivions les résultats préliminaires très positifs du molnupiravir, un anticoronavirus oral développé par les laboratoires américains Merck & Co et Ridgeback Biotherapeutics. Ce produit, qui diminue la charge virale, est à prendre pendant cinq jours dès les premiers symptômes de l’infection. Sa phase 3 (randomisée et en double aveugle), qui conclut les essais cliniques précédant une éventuelle commercialisation, est terminée. Elle montre, chez les patients ayant contracté le Covid-19, que le risque d’hospitalisation et de décès (7,3 % dans le groupe traité contre 14,1 % dans le groupe placebo) est globalement réduit de 50 %. La réponse des agences du médicament américaine et européenne (FDA et EMA) à la demande par Merck de mise sur le marché de son produit serait imminente. La France en a déjà commandé 50 000 doses.
Le 332
Pfizer vient d’annoncer qu’il a lui aussi développé un antiviral oral qui serait capable de réduire le risque d’hospitalisation et de décès de 89 %. C’est encore mieux ! Une première analyse, en effet, faite après vingt-huit jours chez 774 sujets récemment infectés, a comptabilisé 27 personnes hospitalisées ou décédées dans le groupe placebo contre 3 sans décès dans le groupe traité. Une deuxième analyse sur 1 219 patients a montré des résultats similaires : 41 patients hospitalisés ou décédés dans le groupe placebo contre 6, sans aucun décès, dans le groupe traité (réduction de 85 %). Le produit Pfizer associe deux molécules appartenant à la classe des inhibiteurs de protéases virales (enzymes qui permettent à un virus d’assembler ses protéines, faute de quoi il perd son pouvoir infectieux) : le 332 lui-même, produit de synthèse créé par Pfizer en 2020 dont on ignore encore la formule exacte, et le ritonavir, prescrit contre le virus du sida depuis 1996.
Le traitement consiste à prendre deux comprimés de 332 et un de ritonavir deux fois par 24 heures, dans les trois premiers jours des symptômes et pendant cinq jours. Il pourrait être donné aussi en prévention aux personnes particulièrement exposées au virus ; une étude est en cours. Il aurait moins d’effets secondaires que le molnupiravir (détails actuellement indisponibles), aucun impact possible sur l’ADN des cellules (ce qui ne serait peut-être pas le cas du produit Merck) et n’induirait pas de résistances virales.
Il est hautement probable que ces deux médicaments atteindront le marché rapidement : dès la fin de cette année pour le molnupiravir et en 2022 pour le 332 (que Pfizer projetterait alors d’appeler le Paxlovid). Les facteurs qui joueront dans la prédominance de l’un ou de l’autre seront, pour les médecins prescripteurs, leurs effets indésirables respectifs ; pour les autorités étatiques, leur coût ; et pour les patients, leur plus ou moins large disponibilité dans les pharmacies. Les deux géants américains semblent prêts à moduler leurs prix par pays, riches ou pauvres, et à produire à grande échelle.
Conséquences stratégiques
Globalement, ce sont de bonnes nouvelles. Nous avons à maintes reprises expliqué dans cette page que les vaccins, s’ils sont indispensables, restent cependant insuffisants pour contenir un virus qui mute autant que le Sars-CoV-2. Et indiqué également que les anticorps monoclonaux, qui ne s’administrent que par voie injectable et coûtent cher, ne sont utilisables qu’en milieu hospitalier pour les formes sévères. La fin de la pandémie se joue avant ce stade. Quand 80 % de la population de notre pays sera vaccinée – nous y serons bientôt –, le risque de formes graves chez les immunisés qui contracteraient un variant du virus (notamment le Delta, qui prédomine actuellement dans le monde) sera tout de même réduit de 90 % dans la plupart des cas. Si, pour les 10 % qui échappent à ce dénouement, on dispose alors d’antiviraux à prendre oralement pendant quelques jours, ce qui était une pandémie incontrôlable et menaçante deviendra une épidémie permanente (endémie), évoluant à bas bruit et contrôlable, comme toutes celles avec lesquelles nous vivons déjà.
D’autres antiviraux que ceux de Merck et Pfizer seront certainement proposés à l’avenir. La stratégie de lutte contre le Covid-19 devrait donc se simplifier : primauté à la vaccination, antiviral oral en seconde ligne si nécessaire ou de première intention chez les non-vaccinés infectés, qui seront de plus en plus minoritaires. Une résurgence du virus liée à la période hivernale est bien en cours, qui doit encore inciter à respecter les gestes barrières. Mais le bout du tunnel n’est probablement plus très loin.