Le Président de la République a exprimé sa grave préoccupation face à la situation en Ukraine. (…) il a réitéré l’attachement du Sénégal au respect de l’indépendance et de la souveraineté des Etats, ainsi qu’à l’application sans discrimination des règles du droit international humanitaire, notamment en situation de conflit. Il a également réaffirmé l’adhésion du Sénégal aux principes du Non Alignement et du règlement pacifique des différends.»
Cette sortie du communiqué du Conseil des ministres d’hier explique et justifie clairement la position du Sénégal lors du vote hier par l’Assemblée générale des Nations unies, de la résolution condamnant «l’agression russe contre l’Ukraine». Notre pays a fait partie des 35 Etats qui se sont abstenus de soutenir ladite résolution. On a vu sur les réseaux sociaux, des bien-pensants se gausser de la position du Sénégal, que certains ont jugée frileuse, allant jusqu’à se demander ce qui pouvait justifier cette «crainte de la Russie».
C’est oublier que de tout temps, le Sénégal a toujours affiché une position de neutralité dans les conflits, préférant privilégier la diplomatie et la réconciliation. On en voudrait pour preuves les nombreuses médiations entreprises pour tenter des résoudre des conflits sur différentes parties du monde, notamment au Moyen-Orient. Le dynamisme de la diplomatie sénégalaise, vantée à travers le monde, ne lui permettrait pas de se retrouver taxée d’être à la solde d’un pays ou d’une coterie. Même en dirigeant depuis des décennies, le Comité des Nations unies pour l’exercice des droits inaliénables du Peuple palestinien, le Sénégal ne s’est jamais brouillé avec l’Etat d’Israël. Les deux pays entretiennent d’ailleurs depuis longtemps, des relations au niveau d’ambassadeurs.
Tous les peuples épris de paix ne peuvent qu’être choqués par des images de guerre, telles que l’on les voit sur les chaînes des télés occidentales, qui montrent la détresse des populations d’Ukraine. Mais elles ne sont pas moins atroces que celles qui montrent les populations de Gaza sous la répression des forces israéliennes, ou même, celles des villes et du Peuple yéménites, victimes de la guerre que leur livre la coalition arabe sous la houlette des Saoudiens et des Emiratis. Et dans ces situations, le vote du Sénégal n’a jamais fait matière à questionnement.
Mais le Sénégal pourrait-il ne pas faire preuve de retenu dans un conflit qui oppose deux pays voisins, liés par une histoire séculaire ? D’ailleurs, au moment où se tenait le vote, des délégations ukrainienne et russe se retrouvaient au Belarus pour des négociations. Les Américains, aussi bien que les Européens, tout en étant des amis du Sénégal, ne font ni sa diplomatie ni sa politique intérieure. Leur position sur le conflit répond à leurs intérêts nationaux bien compris. Aucun de ces pays n’a jugé utile de consulter le Sénégal et ses dirigeants avant d’entrer en conflit contre la Russie. De même, on peut aussi parier qu’ils ne consulteront pas Macky Sall quand ils auront trouvé un terrain d’entente avec Poutine et les Russes.
On peut croire et se féliciter de ce que Macky Sall s’est inspiré de la Doctrine Mandela. On se rappelle que lors de sa première visite aux Etats-Unis, après sa sortie de prison, le grand dirigeant sud-africain avait été interpellé par des journalistes américains, choqués par les visites qu’il avait rendues à Castro à Cuba et à Kadhafi en Libye. Celui qui n’était encore que le leader de l’Anc, avait répondu que ce n’est pas parce que ces deux dirigeants étaient détestés par les Occidentaux qu’ils devaient être nécessairement nos ennemis. Donc, en diplomatie, les ennemis de mes amis ne sont pas nécessairement mes ennemis. Cela peut être transposé à la situation que nous connaissons aujourd’hui entre la Russie et le reste du monde euro-américain. Le Président Macky Sall doit être félicité et soutenu pour le vote très courageux de notre pays aux Nations unies, car il réaffirme que notre dignité est au-dessus de toute autre considération.