Lettre ouverte à Monsieur le Président de l’Union africaine (UA)
A propos de votre refus d’exécuter une décision de justice qui s’impose au Sénégal
Monsieur le Président de l’Union africaine,
Dans votre propre pays, notre pays, vous vous obstinez dans votre refus d’exécuter une décision de justice qui s’impose à l’État du Sénégal dont vous êtes l’incarnation en votre qualité de Président de la République. En effet, la Cour de justice de la Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO) a déclaré contraire au droit la loi instaurant le parrainage des candidatures aux élections et demandé en conséquence son abrogation.
Malgré cette décision de la Cour de justice de la CEDEAO, vous persistez dans votre volonté de faire du parrainage une condition pour participer aux élections législatives du 31 juillet prochain. Comme à votre habitude, vous vous illustrez par des manœuvres à rebours des règles démocratiques avec l’objectif évident d’éliminer des adversaires politiques et de sélectionner les candidats à ces élections. Chaque fois qu’il s’est agi d’exécuter une décision rendue par la Cour de justice de la CEDEAO à l’issue d’un procès impartial et équitable où l’Etat a produit ses moyens de défense par le biais de l’Agent Judiciaire et de ses avocats, vous avez fait preuve de mépris à l’égard de cette juridiction sous régionale et par là même à toutes les institutions d’intégration africaine. Pour rappel, c’était le cas avec Karim WADE et Khalifa SALL où en dépit des décisions rendues par la Cour de justice de la CEDEAO, l’Etat du Sénégal a persisté dans la violation de leurs droits.
Au vrai, notre pays est devenu le mauvais élève de la CEDEAO depuis que vous êtes devenu Président de la République. Or par son rôle dans la création de cette institution sous régionale et dans son évolution, votre responsabilité est de donner notre pays en exemple dans la sous-région et dans les institutions d’intégration. Peu enclin à exécuter les décisions de justice dans votre pays, vous étiez pourtant au premier plan, et en vous appuyant sur un mandat de la CEDEAO dont vous méprisez aujourd’hui les décisions, pour contraindre le Président Yaya JAMMEH à reconnaitre le verdict des urnes et à transmettre le pouvoir à son adversaire. Vous êtes encore le Président qui, siégeant avec ses pairs de la CEDEAO, a décidé de mettre le Mali sous embargo pour sanctionner le régime militaire qui a pris le pouvoir par la force.
Pourtant, il n’y a pas de différence entre un pouvoir militaire qui viole la légalité constitutionnelle et un Président de la République qui vassalise les institutions, manipule la Constitution, élimine ses adversaires politiques et refuse d’exécuter les décisions de justice. Au contraire, ils ont un dénominateur commun : ils sont tous deux des fossoyeurs de la démocratie.
Monsieur le Président de l’Union africaine,
En tant que Président de l’Union africaine, votre responsabilité doit vous incliner à respecter la légalité internationale dans votre pays afin de porter une voix crédible en Afrique et dans le monde. Votre responsabilité, c’est aussi d’apaiser la situation politique nationale pour légitimer les médiations que vous pourrez faire dans les pays du continent en proie à des crises politiques, à des coups d’Etat militaire ou à des conflits armés
L’Afrique et le monde attendent du Président de l’Union africaine un leadership fondé sur le respect de la légalité, et non un politicien «hors la loi dans son propre pays» obsédé par le pouvoir, déterminé à vaincre sans péril et prêt à triompher sans gloire.
Président de l’Union africaine, le continent vous regarde.