Lutte contre l’excision à Sédhiou: Quand les acteurs prêchent dans le désert

La quasi-totalité des communautés ethniques et villageoises de la région de Sédhiou ont déclaré avoir abandonné l’excision, cette pratique culturelle aussi vieille que l’histoire. Mais entre ces bonnes intentions et la réalité du terrain, il y a bien un fossé.
 
La persistance du phénomène
 
Une étude pour le développement de la Santé (Eds) en date de 2010, a montré que 94 % des filles de la région de Sédhiou sont victimes de mutilations génitales. L’infirmier chef de poste (ICP) de Sansamba, village qui a abrité dimanche dernier une cérémonie de déclaration d’abandon de l’excision, a déclaré que depuis qu’il est fonction, toutes les femmes qui ont accouché dans son poste, sont excisées. Il précise même que la localité a organisé au mois de juin dernier une cérémonie populaire d’excision de toutes les filles à l’image des circoncisions.
 
Les conséquences sanitaires et psychologiques
 
Pour l’infirmier chef de poste, cette pratique a, pourtant, des conséquences sanitaires foudroyantes. «  L’excision peut provoquer une hémorragie qui, si elle n’est pas maitrisée, peut provoquer la mort par anémie. Le matériel utilisé peut également causer une infection et donner le tétanos. Au moment de l’accouchement, en cas de complication ou d’accouchement à domicile, il peut y avoir une déchirure au niveau de la partie cicatrisée du clitoris » informe l’Icp, Rémy Bassène. Et d’ajouter que la victime peut également souffrir de traumatisme sexuel et psychologique durant toute sa vie. Ne serait-ce que pour ces dernières conséquences, il convient d’abandonner cette pratique.
 
Ndeye Souncar Cissé, du réseau Siggil Jigeen abondant dans le même sens, reconnaît les grosses difficultés à éradiquer cette pratique ancrée dans la conscience populaire notamment dans les localités villageoises. Soulignant les efforts consentis dans la sensibilisation et la conscientisation, Ndeye Cissé pense qu’il faut encore du temps et plus de sacrifices pour procéder au lavage des cerveaux sur cette pratique qui n’honore pas la femme et qui malheureusement reste encore une réalité dans la région malgré les innombrables actions de sensibilisation des Ong et des projets comme Medicos, Etre femme et Tostan.
 
Des solutions encore timides et inefficaces
 
Lors de la déclaration d’abandon de l’excision des communautés mandingues de Sédhiou, la porte-parole des exciseuses avait demandé aux responsables de Tosatn de l’époque, de leur trouver d’autres activités génératrices de revenus (AGR) pour faciliter la reconversion. Tostan avait applaudi des deux mains et a procédé les années suivantes au recensement de toutes exciseuses du Sénégal puis au financement de leur projet. Elles avaient reçu des machines à coudre. Des formations avaient été faites au bénéfice des filles à exciser. L’année suivante, à en croire Abdoulaye Diao, le coordonnateur de Tostan dans la zone sud, le nombre de exciseuses a doublé . En effet, dans beaucoup de communautés, des femmes s’étaient autoproclamées exciseuses pour bénéficier des financements, a-t-il révélé. Finalement Tosatn a abandonné cet accompagnement pour reprendre ses pratiques classiques de sensibilisation avec des centres villageois où les femmes sont formées dans les associations féminines reconnues aux droits humains, à la santé de la reproduction, aux conséquences de l’excision et sont financées dans des projets structurants. Une fois convaincues, elles décident, d’elles-mêmes, d’abandonner l’excision.
 
Seulement, le suivi pose problème. Mais Abdoulaye Diao informe que Tostan a mis des comités de veille dans chaque village pour dénoncer les récalcitrantes. Il ajoute que la main répressive de l’Etat doit se faire sentir dans l’application stricte de la loi. Mais d’ici là, beaucoup de salive va continuer à couler encore pour convaincre des gens comme ce père de famille qui confesse que toutes les filles et femmes de son foyer sont excisées et pourtant elles n’ont jamais eu de problèmes d’accouchement. Dans le Kabada, partie nord/ouest de la région adossée à la Gambie, pendant que des communautés déclaraient l’abandon de l’excision, des exciseuses étaient à l’œuvre dans les environs et les cris des jeunes filles avaient attiré l’attention de l’assistance.

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