Des dizaines de milliers d’enfant talibés forcés à vivre de la mendicité au Sénégal et un engagement politique en berne, c’est ce dont fait état un rapport d’Amnesty International sur la protection des enfants talibés.
Pourtant, constate Amnesty, le Sénégal s’est engagé à plusieurs reprises à mettre fin à la mendicité forcée des talibés et à améliorer les conditions de vie dans les daaras. « Des efforts ont été faits dans ce sens, mais ils restent insuffisants. Le gouvernement doit agir davantage sur cette problématique, en concertation avec tous les acteurs concernés, afin de mettre fin à la souffrance des enfants talibés », déclare Samira Daoud, Directrice régionale d’Amnesty International pour l’Afrique de l’Ouest et du Centre.
2 000 daaras à Dakar, avec un effectif de près de 200000 talibés
En l’absence de statistiques officielles, il est estimé qu’il y a plus de 2.000 daaras à Dakar, avec un effectif de près de 200.000 talibés, dont 25% pratiqueraient la mendicité forcée, selon le rapport. Amnesty renseigne que le phénomène de mendicité forcée des enfants talibés est basé sur un système de recrutement dans le pays mais aussi au niveau sous-régional. Des maîtres coraniques et enfants talibés étant issus de certains pays voisins comme la Gambie et la Guinée Bissau, qui s’apparente souvent à un système de traite d’enfants aux fins de leur exploitation économique.
La mendicité rapporterait 5 milliards FCFA/an
La mendicité génère de faramineux revenus. En effet chaque année, les talibés récolteraient plus de cinq (5 ) milliards FCFA, d’après les estimations d’Issa Saka coordonnateur du projet de lutte contre l’exploitation et la mendicité des enfants talibés (PLEMET) au Sénégal. Les maîtres coraniques reçoivent “journalièrement quinze millions F CFA. En effet, 300 000 enfants qui donnent 500 F CFA, par jour, cela fait un total de 5, 475 milliards F CFA, pour la seule région de Dakar.
Exactions et morts de talibés
En janvier 2022, un talibé âgé de 10 ans est mort de blessures au quartier Lansar de Touba, après avoir été bastonné par son maître coranique qui lui reprochait de ne pas avoir su sa leçon du jour. Ces violences restent très souvent impunies, du fait notamment du défaut de contrôle des daaras, de moyens insuffisants pour les services de protection de l’enfance et du statut des maîtres coraniques au sein de la société. « Quand j’étais talibé, l’un de mes condisciples qui était dans le même daara que moi, bégayait et n’avait pas une bonne élocution. Un jour, alors qu’il peinait à réciter, le maître d’école l’a frappé à la tête avec sa tablette en bois. Il est mort deux jours après. Maintenant que je suis plus grand et que j’apporte des soins infirmiers aux enfants, je pense qu’il est décédé d’une hémorragie cérébrale après ces coups, » affirme un ancien enfant talibé.