Il est au cœur de la procédure pénale. Lui, c’est le juge d’instruction, appelé aussi magistrat instructeur. Hier lundi 19 décembre, un d’entre eux, en l’occurrence Mamadou Seck, qui occupe le 2e cabinet au Tribunal de grande instance hors classe de Dakar, a décerné un mandat d’amener contre le journaliste et administrateur du site Dakarmatin, Pape Alé Niang, au patron de la Division des investigations criminelles Adramé Sarr. Et ce mardi matin, il lui a délivré son ticket d’entrée à la prison de Rebeuss. Pourtant, c’est le même juge qui a mis sous contrôle judiciaire l’inculpé le mercredi 14 décembre, après un premier placement sous mandat de dépôt, pour divulgation de documents militaires sans autorisation de la hiérarchie, de nature à nuire à la défense nationale, d’appel à la subversion, de recel et de diffusion de documents administratifs estampillés ‘’Secret’’ et de propagation de fausses nouvelles.
Consultant en droit, spécialiste du contentieux des affaires, Me El Amath Thiam parle, ici, des pouvoirs du juge d’instruction qui ‘’peut paraître comme une institution’’. ‘’C’est pourquoi le criminologue, Professeur Amadou l’appelait ‘’’le magistrat le plus puissant’’’, a souligné Me Thiam.
Le juge d’instruction remplit deux fonctions : investigation et juridictionnelle.
Fonction d’investigation : C’est un magistrat policier, un enquêteur qui cherche des preuves et fait des investigations en vue de la manifestation de la vérité. Il a, à sa disposition, tous les moyens et toutes les forces pour exercer la coercition. Il peut déléguer ses pouvoirs d’investigation aux officiers de police judiciaire (OPJ), appelés délégation judiciaire ou à un homologue juge d’instruction appelé commission rogatoire.
Fonction juridictionnelle : Le juge d’instruction est un magistrat qui rend des décisions de justice dont certaines peuvent être contestées : mandat de dépôt, mandat d’arrêt, mandat d’amener, mandat de perquisition, contrôle judiciaire, ordonnance d’inculpation, ordonnance aux fins d’expertise, ordonnance de règlement, ordonnance de renvoi, ordonnance de non-lieu, etc.
L’étendue des pouvoirs du juge d’instruction
Le juge d’instruction est saisi ‘’in rem’’ : C’est-à-dire qu’il est saisi sur tous les faits et sur les seuls faits indiqués dans le réquisitoire du procureur de la République.
Exemple : lors d’une perquisition, le juge d’instruction tombe sur de la drogue, alors qu’il cherchait l’arme d’un crime. On doit informer le procureur, mais le juge d’instruction ne peut ni s’autosaisir pour enquêter sur la découverte de la drogue, parce qu’il n’est pas saisi des faits concernant la drogue, ni joindre les deux affaires. Seul un réquisitoire supplétif du procureur de la République pourrait permettre au juge d’instruction l’ouverture d’une information sur la drogue retrouvée au moment de la perquisition.
Pas de saisine ‘’in jus’’ : Dans le réquisitoire du procureur de la République, on y trouve les faits et une qualification juridique des faits incriminés. Mais le juge d’instruction n’est pas tenu par la qualification retenue dans le réquisitoire introductif du procureur de la République, car en amont, on ne sait pas encore l’exactitude ou tout sur les faits considérés comme une violation de la loi.
Ainsi, au cours de l’information, le juge d’instruction peut déqualifier pour requalifier les faits. La requalification pourrait être aggravante (fait plus grave) ou atténuante (fait moins grave) et il peut le faire autant de fois selon la gravité, la complexité.
Pas de saisine ‘’in personam’’ : Le juge d’instruction n’est pas tenu par la liste de personnes visées dans la procédure, au moment de l’information judiciaire. Par exemple, lorsque l’information est dirigée contre X. C’est le cas parfois, si les suspects ne sont pas nommés dans le réquisitoire.