Dans son rapport sur la gestion des 1000 milliards de francs CFA du fonds Force Covid-19, la Cour des comptes a épinglé neuf ministères pour des manquements supposés portant sur un total de 6 milliards 686 millions 784 mille 410. Elle a demandé, notamment, l’ouverture d’informations judiciaires contre les présumés responsables de ces écarts.
Le préjudice le plus important est imputé au ministère du Développement communautaire, de l’Équité sociale et territoriale. Ilest estimé à 2 milliards 749 millions 927 mille 498 et concerne le marché de 110 001,5 tonnes de riz.La denrée a été distribuée à un peu plus d’un million de ménages dans le cadre de la riposte aux effets sociaux de la pandémie sur les ménages les plus vulnérables.
La Cour des comptes a demandé l’ouverture d’une information judiciaire contre Aliou Sow qui était, durant la période considérée, le Directeur de l’administration générale et de l’équipement (DAGE) dudit département. Les vérificateurs accusent ce dernier d’avoir appliqué, pour le riz,«des prix non conformes à ceux fixés par l’arrêté n°007111 du 22 mai 2013 portant administration des prix de l’huile en fût et en dosettes, du sucre cristallisé et du riz brisé non parfumé».
De 245 000 à 275 000 francs CFA
L’ancien DAGE du ministère du Développement communautaire, de l’Équité sociale et territoriale avait fait ces précisions dans sa réponse aux interpellations des vérificateurs à la suite de la sortie du rapport provisoire.Ces explications n’ont pas été toutes prises en compte dans le rapport final. Aliou Sow a d’abord rappelé que pour l’achat des denrées ciblées (riz, sucre, pâtes, huile et savons), Mansour Faye avait lancé un appel à la concurrence bien que le Code des marchés publics (décret 2020-781 du 18 mars 2020) ne l’y obligeait pas.
«À cet effet, rembobine-t-il, il a saisi l’ARMP qui lui a recommande?, par lettre n°000745 ARMP/DG/SP du 02 avril 2020, de proce?der a? la publication d’un avis de commande, la mise en contribution de la commission des marche?s et la publication des re?sultats de la se?lection».
«Les recommandations de l’ARMP ont été respectées à la lettre», d’après l’ancien DAGE. Qui ajoute, toujours à l’attention des vérificateurs : «Les prestataires ont re?pondu a? l’avis de commande en proposant des quantite?s et des prix pour chaque produit. La commission des marche?s a se?lectionne?, pour chaque denre?e, les prestataires conformes, ayant propose? les prix les plus bas, comme vous pouvez le constater dans les PV d’ouvertures et d’attribution qui sont a? la disposition de la Cour (des comptes).»
«Dans ce tableau le prix de la tonne de riz brise? non parfume? est affiche? a? 275 000 FCFA et tous les prestataires retenus pour l’acquisition de riz avaient propose? le me?me prix, a? savoir 275 000 FCFA la tonne, a souligné le DAGE dans sa réponse aux vérificateurs. Je suppose que le ministre charge? du Commerce, en pre?sentant ce tableau en Conseil des ministres, e?tait conscient que les prix fixe?s par l’arre?te? de 2013, qu’il a lui-me?me signe?, n’e?taient plus applicables en 2020 dans un contexte de crise sanitaire mondiale ou? les pays exportateurs refusaient, par moment, d’exporter leur production de riz.»
Les prix de 2013 étaient d’autant plus caduques que la validité de l’arrêté les fixant ne pouvait excéder quatre mois (article 43 de la loi n°94-63 du 22 août 1994). Par conséquent, laisse entendre l’ancien DAGE, cet arrêté ne pouvait en aucun cas être allégué par les vérificateurs pour pointer une surfacturation du riz.
«C’est un gros manquement, une légèreté inouïe, s’étrangle-t-on dans l’entourage de Mansour Faye. Et le DAGE avait répondu à l’observation formulée par la Cour des comptes sur le riz. Normalement ses réponses devaient être annexées dans le rapport définitif ; cela n’a pas été fait. C’est la raison pour laquelle le ministre s’interrogeait sur la motivation réelle des vérificateurs.»
Des économies budgétaires de 5 milliards
Aliou Sow avait ajouté : «En effet, Monsieur le Pre?sident de la Re?publique avait dote? ce programme d’un budget de 69 milliards de francs CFA pour une cible d’un million de me?nages. Le programme a e?te? mis œuvre dans les de?lais, avec moins de 64 milliards de francs CFA de?pense?s pour 1 100 000 me?nages, soit des e?conomiesbudge?taires d’environ 5 milliards de francs CFA. Ainsi, une bonne analyse de la performance, (…) devrait constater, non seulement une efficacite?, mais une efficience dans la mise en œuvre de ce programme.»