La série macabre sur les routes sénégalaises se poursuit avec cette fois un dimanche (8 janvier 2023) tristement noire où 39 personnes ont perdu la vie dans un accident survenu à Kaffrine. Si la surcharge des véhicules de transport en commun a été pointée du doigt, la vétusté du parc automobile ne saurait être occultée dans la liste des défaillances. Coup d’œil sur les cartes-grises des véhicules de transport en commun.
L’Etat du Sénégal s’est résolument engagé dans la lutte contre l’insécurité routière galopante qui décime en moyenne 700 vies humaines chaque année. A l’issue du conseil interministériel d’hier consacré à ce fléau, suite à l’accident dramatique de ce dimanche 8 janvier 2023 qui a fait 39 morts, 22 mesures ont été adoptées par les parties prenantes (Etat et acteurs). Parmi celles-ci figure la limitation, par arrêté ministériel (dans les 72 prochaines heures), de la durée d’exploitation à 10 ans pour les véhicules de transport de personnes et à 15 ans pour les véhicules de transport de marchandises.
Une décision qui, si elle est appliquée, mettra l’écrasante majorité du parc automobile très vétuste à la fourrière. Les cars-rapides, ces minibus bariolés qui font le charme de la capitale sénégalaise, vont quitter définitivement la circulation comme le souhaitait l’Etat depuis plusieurs années. Produit par Renault-Saviem entre 1965 et 1977, la fourgonnette SG3, spécialisée dans le transport de marchandises, a retrouvé une seconde vie -assez longue du reste- au Sénégal où elle est transformée en véhicule de transport de personnes.
Renault SG3 ‘’Car-rapide’’, un has been de l’automobile
Malgré la difficulté de retrouver des pièces de rechange sur le marché (Renauld n’en produit plus depuis 1982), les exploitants sénégalais de ce type de véhicule utilisent le système D (Débrouille) pour rafistoler les pièces et maintenir ce cercueil roulant en circulation. Ceci, au vu et au su des autorités dont les décisions sont restées des effets d’annonce.
La Mercedes-Benz 508D ‘’Ndiaga Ndiaye’’, bonne pour la fourrière
Les cars-rapides ne sont pas les seuls véhicules bons pour la casse et qui roulent encore au Sénégal. Les ‘’Ndiaga Ndiaye’’ sont également à ranger dans le même lot. Portant la touche particulière du ‘’Henry Ford du baol’’, le ‘’Ndiaga Ndiaye’’ s’est imposé dans le marché du transport sénégalais depuis 1983. L’ancien apprenti-chauffeur saisonnier, Ndiaga Ndiaye a ravi la vedette (au Sénégal) à Paul Daimler, Carl Benz et Emil Jellinek-Mercedes, ces concepteurs du constructeur allemand Mercedes-Benz, sur un de leur propre produit : la 508d.
Ce véhicule utilitaire allemand des années (1968-1980), porte depuis près de 30 ans, sous nos cieux, le nom de ‘’Ndiaga Ndiaye’’. C’est vers 1983 que Ndiaga Ndiaye a commencé à transformer la Mercedes-Benz 508d, un véhicule de transport de marchandise à la base, pour en faire l’un des moyens de transport en commun les plus populaires au Sénégal. Depuis, le nom de Ndiaga Ndiaye, devenu un label, est indissociable à la 508d au Sénégal.
Aujourd’hui 40 ans après la mise en circulation de la version modifiée (par Ndiaga Ndiaye) de la 508d, le temps est maintenant venu qu’elle cède la place à des véhicules plus modernes et répondant aux normes de sécurité routière.
En plus de défier le temps, les ‘’7 places’’ chahutent également le président de la République Macky Sall qui avait annoncé leur retrait de la circulation en 2020. L’Etat qui avait enclenché le processus, avait même réceptionné en grande pompe au palais de la République, un premier lot important de minibus 15 places en septembre 2020. Mais la machine du renouvellement s’est vite grippée et les vétustes 305 break communément appelés ‘’7 places’’ continuent d’arpenter les routes du Sénégal en toute insécurité.
Mis sur le marché en 1979, la Peugeot 505 a été remplacée en 1989 par la 605. Elle restera dans les catalogues Peugeot jusqu’en 1992 avant que le constructeur automobile cesse de la commercialiser. Au Sénégal, 30 ans après son retrait des catalogues Peugeot, fait fureur dans le transport interurbain. Des milliers de véhicules de ce type quittent quotidiennement les différentes gares du pays avec une dizaine de personnes à bord.
Minibus Tata, la 1ère et la 2e génération toujours en circulation
Si cette décision de limitation de la durée d’exploitation des véhicules de transports est appliquée, même les minibus Tata ne seront pas épargnés notamment ceux de la première et de la deuxième génération (King long) qui sont entrés en circulation de décembre 2005 à Septembre 2008. Premier jalon du programme de renouvellement du parc de ‘’cars rapides’’ et de ‘’ndiaga ndiaye’’, financée par la Banque mondiale et les opérateurs de l’Aftu à hauteur de 10,7 milliards de FCfa, certains minibus Tata se sont retrouvés dans la même situation que les ‘’cercueils roulant’’ qu’ils devaient remplacer.
Après 17 années d’exploitation, ces minibus de la première et de la deuxième génération sont devenus vétustes et continuent de circuler malgré tout. Ceux de la troisième (2010-2013) et de la quatrième (2014) générations seront bientôt frappées par la nouvelle mesure gouvernementale.
Camions gros-porteurs (Berliet), bus de transport interurbain sont quasiment tous dans la même situation. D’ailleurs d’après une étude réalisée en 2017, l’âge moyen du parc automobile est de 20 ans. Les autocars interurbains sont dans le rouge avec une moyenne d’âge de 30 ans, de même que les autocars urbains, les taxis interurbains et les camions qui ont une moyenne d’âge qui tourne entre 28 et 33 ans. C’est dire donc que l’Etat aura du pain sur la planche pour faire appliquer cette mesure.