Le Sénégal s’est fixé le défi du financement de la santé en général et celui de la lutte antitabac. Les coûts liés aux soins médicaux pour les maladies non transmissibles (MNT) représentent 30 % des dépenses nationales de sante?. Le tabagisme représente aussi un coût énorme aux dépenses de santé. Il faut noter qu’un déficit criant est constaté dans le financement de la lutte antitabac et des MNT.
En effet, «une étude, menée par le Consortium pour la recherche économique et sociale (CRES) en 2017, estime que le tabagisme a coûté 122 milliards FCFA à la société sénégalaise, pour ne lui en rapporter que 24 milliards en guise de taxe, soit une perte sèche de 98 milliards», a expliqué Amadou Kanouté.
Directeur exécutif de CICODEV Afrique, il s’est exprimé dans le cadre d’un atelier de sensibilisation des journalistes spécialisés dans le domaine de la santé. La rencontre a porté sur «La taxe parafiscale, un moyen de financement durable de la lutte antitabac et des maladies non transmissibles au Sénégal».
D’ailleurs, CICODEV Afrique a lancé, depuis près d’une année, avec l’appui de Campaign for Tobacco Free Kids (CTFK) une campagne de plaidoyer dont l’objectif est d’adopter un décret instituant une taxe parafiscale sur le tabac pour financer la lutte contre le tabac et les MNT. «Ce ne sera pas une première, les secteurs du tourisme, des infrastructures, de l’énergie et récemment du logement, pour ne citer que ceux-là, ont tous bénéficié d’une taxe parafiscale», explique M. Kanouté.
Professeur Abdoul Aziz Kassé : “Ce qu’il faut réellement faire…”
«À chaque fois qu’une famille a un malade, elle se ruine pour le soigner. Ceux qui ont des cancéreux en savent quelque chose. Les indemnités de prévoyance maladie de certaines entreprises ne peuvent pas soigner tout le monde. Il faut un système de solidarité. Si chaque personne cotise 1 000 F par mois, on peut avoir la solution. Si chaque employeur paye pour ses employés et que l’État cotise pour ceux qui ne peuvent pas, on aura la solution. Obama l’a fait et on l’a appelé ‘Obama Care’», selon le professeur Abdoul Aziz Kassé.
Selon le cancérologue, ce qui rend malades les gens, c’est le tabac et l’alcool. Il faut mettre une taxe forte. Il faut taxer tous les produits transformés et dire aux Sénégalais que ces taxes parafiscales sont pour les soigner et il y aura suffisamment d’argent pour prendre en charge tout le monde. Pour ce faire, le Pr. Kassé invite à mutualiser le risque avec les assureurs qui vont faire la régularisation.
Revenant sur les acquis de la lutte antitabac, le Pr.Abdoul Aziz Kassé note qu’Il faut qu’on se félicite de ce qui a été fait. «L’industrie du tabac ne s’ingère plus dans ce qui se fait. Par rapport à la taxation, au début, on était dans des niveaux de taxation de 40. Aujourd’hui, on est à 65 et on peut passer jusqu’à 150. L’interdiction de la publicité des panneaux et parrainages est respectée. Vous ne voyez plus, encore moins de spectacles sponsorisés par le tabac. Les avertissements sanitaires sont visibles sur les paquets de cigarettes», dit-il.
C’est donc le cinquième point qui pose problème. Il s’agit de l’interdiction totale de fumer dans tous les lieux publics et les lieux ouverts au public. «Le ministère de la Santé est disposé à y travailler avec de nouvelles dispositions. Seulement, de nouveaux problèmes apparaissent. Il y a des produits dits émergents comme la chicha, le tabac chauffé et la cigarette électronique. Tant que nous vendons la cigarette et le tabac n’importe où, n’importe qui peut vendre n’importe quoi. Il faut créer des espaces qui vendent le tabac et créer des emplois dans les communes», dit-il.
Pour rappel, le budget alloué au secteur de la santé, au titre de l’année 2023, s’élève à 242 474 429 117 F CFA, soit 4,7 % du budget général. Il reste encore loin des 15 % du budget national prévu par l’Accord d’Abuja. Et sur ce montant, seulement 25 000 000 F CFA sont alloués à la lutte antitabac.
Selon l’Organisation mondiale de la santé (OMS), les maladies non transmissibles (MNT) telles que les maladies cardiovasculaires, l’hypertension artérielle, le cancer et le diabète, ont augmenté et causent actuellement 45 % des décès au Sénégal. Le chiffre est très élevé, car la moyenne est de 28 % en Afrique subsaharienne.