NBA: LeBron James et Kareem Abdul-Jabbar, je t’aime moi non plus

Toujours plus haut, vers des cieux pourtant présumés inatteignables, LeBron James est devenu mardi le meilleur marqueur de l’histoire de la NBA devant le monument Kareem-Abdul Jabbar, avec lequel, malgré un respect mutuel de rigueur, les relations sont pour le moins glaciales.
 
“LBJ” a écrit une nouvelle page de sa légende, lors de la défaite des Lakers contre Oklahoma City, faisant des 38.387 points de son glorieux aîné un ancien record. Sous les yeux de l’intéressé, venu transmettre le flambeau, le temps d’une accolade pour la photo et pour l’histoire.
 
“Etre en présence d’une telle légende signifie beaucoup pour moi. C’est une grande leçon d’humilité, faites une ovation au capitaine, s’il vous plaît!”, lui a rendu hommage James, en s’adressant à la “Laker Nation”.
 
Des mots bien pesés et une image de communion voués à réchauffer les relations pas toujours diplomatiques entre eux qui ont pourtant tant en commun: l’excellence dans la durée, un palmarès gargantuesque, la lutte contre l’injustice raciale.
 
L’un et l’autre ont débuté dans des franchises peu exposées (Cleveland et Milwaukee), avant de briller au soleil (Miami et Los Angeles). Surtout, en vingt saisons, ils ont chacun joué dix finales, “LBJ” remportant quatre titres et “KAJ” six.
 
Ces deux légendes du jeu se distinguent également par leur capacité à rester dominants en dépit du temps qui passe. Et si Abdul-Jabbar a attendu d’avoir 42 ans pour être confronté au déclin, James est lui toujours au sommet de son art à 38 ans.
 
 Exemplarité
 
“LBJ” dépense des centaines de milliers de dollars chaque année pour rester en pleine forme, en s’entourant de cuistots, diététiciens, coaches, masseurs personnels…
 
Adepte du yoga, “KAJ” s’était imposé un régime alimentaire strict après s’être converti à l’islam, également conseillé en ce sens par Bruce Lee, devenu son ami lors du tournage du “Jeu de la mort”.
 
Le cinéma les rassemble d’ailleurs, depuis que James a joué dans “Space Jam 2”. Abdul-Jabbar avait lui gagné en popularité grâce à la comédie “Y a-t-il un pilote dans l’avion?”.
 
Or Kareem, enfant du mouvement pour les droits civiques, a longtemps traîné une image d’austère. Féru de jazz, son stoïcisme passait pour de la rigidité, d’autant qu’il évitait les médias dont il se méfiait.
 
James est aussi un produit de son époque, celle d’une pression médiatique autrement plus forte, qu’il contrôle jusqu’aux réseaux sociaux. Quand il ne relaye pas le dernier son de Drake, il est le premier à dénoncer les injustices raciales.
 
Sa voix est celle qui porte le plus. Et il met la main au portefeuille: pour fonder une école, financer des programmes d’aide, créer une association pour inciter les Noirs à voter.
 
Mais tout ceci ne l’exonère de rien aux yeux d’Abdul-Jabbar, aussi prompt à le recadrer qu’il mit longtemps à critiquer Michael Jordan pour son manque d’implication pourtant criant, du temps où il régnait sur la NBA.
 
Car pour le monument de 75 ans, la place qu’occupe LeBron, l’admiration qu’il suscite, l’obligent à l’exemplarité. Or, “certaines des choses qu’il a faites et dites sont vraiment indignes de lui”, a-t-il estimé l’an passé.
 
“Pas de relation”
Il y eut ce geste déplacé de James en novembre 2021 contre les Pacers, qu’il chambra en touchant ses parties génitales. “Pourquoi as-tu besoin de faire une danse stupide et de manquer de respect à l’autre équipe ?”, l’avait-il tancé.
 
Un mois plus tard, “LBJ”, vaccino-sceptique, postait sur Instagram une image suggérant qu’il n’y a pas de différence entre le Covid, la grippe ou le rhume.
 
“LeBron s’est engagé à être un leader de la communauté afro-américaine dans la lutte contre les inégalités. Mais son message a porté un coup à son digne héritage. Il doit défendre la vaccination, qui pourrait sauver des milliers de vies noires”, l’avait-il sermonné.
 
Il s’était ensuite excusé. “J’ai réprimandé LeBron lorsque je pensais qu’il laissait tomber la communauté. Mais je l’ai fait tel un grand frère qui offre des conseils (…) Ces dernières années, mon respect et mon admiration n’ont fait que croître, car je l’ai vu défendre des causes importantes. Je suis heureux de passer le flambeau à quelqu’un de si digne.”
 
Des mots qui n’ont pas effacé l’ardoise. Fin décembre, James affirma sur un ton glacial n’avoir “aucune pensée” pour Abdul-Jabbar à mesure qu’il se rapprochait de son record, ajoutant que, de toute façon, “il n’y a pas de relation” entre eux.

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