Les populations et l’équipe municipale de Dianah Malary, dans le département de Sédhiou, sont à couteaux tirés. À l’origine de ce bras de fer entre l’édile et ses administrés, la gestion jugée nébuleuse du foncier de la collectivité de Dianah Malary.
En effet, plusieurs chefs d’accusation pèsent sur le maire Sény Diallo. Le collectif des propriétaires des terres nées du lotissement de 2018 et impactés par les chantiers de la mairie, accuse le maire d’entreprendre un lotissement dénommé Dianah Malary Extension 2018, sans aucune concertation au préalable avec les populations.
Ce lotissement de 1 429 parcelles à usage d’habitation porte sur un terrain de 238 hectares et 16 ares. Il est constitué d’une partie immatriculée de 64 hectares, 82 ares 77 centiares et d’une autre de 173 hectares, 33 ares et 23 centiares relevant du titre foncier 91/HC de l’État du Sénégal.
À en croire les plaignants, ce lotissement n’est ni autorisé ni validé par l’autorité compétente. Or, le maire a déjà démarré la vente des parcelles à raison de 100 000 F CFA l’unité, avec 30 000 FCFA pour les frais de dossier. Ce qui relève du faux et de l’arbitraire, puisque le conseil municipal n’a pas délibéré sur cette question, accuse le collectif.
Il souligne également que le quota de parcelles qui revient de droit aux propriétaires n’est pas défini, faute de concertations. Pire, révèle le collectif, le maire note en bas des pages des attestations qu’il délivre que «Cette parcelle ne peut faire l’objet d’aucune transaction, ni échange quelle que soit la nature, sans l’avis préalable du maire. L’attribution n’est définitive qu’après validation de la commission de distribution».
Pour Balla Moussa Dramé, le porte-parole des populations, cette dernière restriction du maire montre à suffisance l’irrégularité du lotissement.
Autres chefs d’accusation évoqués par le collectif : le maire a procédé à la destruction de biens appartenant à autrui, en démolissant les murs de maisons, des latrines privées, des cimetières, des arbres situés de part et d’autre de la route principale.
Pour la sauvegarde de ses droits et intérêts, et pour éviter toute contestation éventuelle, le collectif a souhaité faire constater cette situation par voie d’huissier pour qu’un procès-verbal soit dressé conformément à la loi. Ce qui fut fait. Le procès est prévu le 23 février prochain au tribunal de grande instance de Sédhiou.
Pour rappel, informe le porte-parole, le Comité régional de l’urbanisme avait bloqué pendant quatre ans ce dossier de lotissement. C’est après un mouvement de grogne des populations que cette commission a, dans la précipitation, déposé le dossier au ministère de l’Urbanisme et du Logement. Le ministre Seydou Sow, en visite récemment à Sédhiou, a évoqué ce dossier, précisant qu’il est en cours de validation.
Le collectif dénonce également l’implication du chef du Service régional du cadastre dans cette affaire. Balla Moussa informe qu’au lieu de trouver un géomètre privé agréé, Saliou Faye, le chef du service du cadastre, s’est autoproclamé géomètre. Refusant une transaction en nature, il s’est collé les services d’un géomètre qui a encaissé sa cote part en parcelles pour, en retour, le rembourser en argent liquide.
Saliou Faye, en réponse au porte-parole du collectif, réfute d’un revers de main ces accusations qu’il qualifie d’infondées et de diffamatoires. Et d’expliquer que pour un lotissement, il faut faire l’état des lieux en mesurant les maisons en place, identifier les anciens lotissements et éventuellement les titres fonciers existants. «Après quoi, nous avons déposé le dossier au niveau de l’urbanisme. Mais les lenteurs administratives existantes, il y a eu des rejets, des corrections et ce, jusqu’en 2020».
Cette année-là, dit Saliou Faye, le maire a relancé le dossier et aujourd’hui, il est au ministère de l’urbanisme. Vu que tous les services techniques ont donné leur avis favorable sur le lotissement, le maire a informé les autorités qu’il ne pouvait plus continuer à bloquer les constructions quatre années durant. Il a ainsi commencé à distribuer les attestations provisoires dans l’attente de l’avis du ministère.
Saliou Faye rejoint sur ce cas le collectif, martelant que le maire devait attendre l’épuisement total des procédures administratives. Mais en tout état de cause, le chef du service du cadastre dément les propos du collectif et parle d’une machination politique ourdie contre sa personne. Et de révéler que le grand frère de Balla Moussa Dramé, basé à l’étranger, était le rival de l’actuel maire aux dernières élections locales.
«C’est lui qui, de loin, est en train de l’instrumentaliser contre le maire Sény Diallo. Moi, j’ai aidé seulement le maire en tant que service technique, en le mettant en rapport avec un géomètre de la localité. Je ne gagne rien dans cette affaire, comme le croit le collectif», se dédouane Saliou Faye.
Ce que le maire confirme en précisant qu’il s’agit là d’un règlement de comptes qui date de leur enfance. «Son père était un politique craint des populations, il prenait pour titre foncier tous les terrains bien placés aux abords de la route. Aujourd’hui que je suis maire, j’ai découvert toutes ces irrégularités. C’est pourquoi j’ai arrêté le chantier de construction du frère du porte-parole du collectif basé à l’étranger sur un des terrains qu’il pense appartenir à la famille», confie le maire.
Sur les destructions, l’édile apporte des clarifications en soulignant que la commune a bénéficié d’un programme d’électrification rurale. Pour permettre à l’entreprise d’avoir une visibilité, il fallait procéder à la démolition des édifices irréguliers sur le tracé des voiries.
Et de considérer les propos du porte-parole du collectif comme des manipulations pour récupérer illicitement ce qui ne lui appartient pas.
Sur la délivrance des attestations avant la signature du ministre, le maire explique que ce n’est pas une première dans la région de Sédhiou, ni au Sénégal.